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passage, et un très-grand nombre de personnes étaient venues avec elle ou après elle, si bien que cette petite ville logeait six cents étrangers. Il n’y a cependant pas d’eaux thermales à Goslar ; mais la reine étant malade avait entendu parler des cures merveilleuses faites par un empirique, et elle était venue se mettre entre ses mains et prendre des bains qu’il prépare avec des herbes de la montagne. La cour, les gens attachés de près ou de loin à la reine, les désœuvrés, tout cela avait suivi ; et voilà comment les aubergistes peu nombreux de Goslar ont eu occasion de faire tout à coup de beaux profits : bien nous a pris de ne pas avoir eu à nous arrêter dans cette ville ; tous nos fonds y auraient passé.

Clausthal se ressent bien peu de ce remue-ménage qui se fait à cinq lieues : tout y est paisible, tranquille, les auberges sont vides et les loyers ne renchérissent pas. Nous sommes ici dans un hôtel presque somptueux ; nous y avons, par abonnement, chacun une chambre splendide et bien meublée, le café au lait le matin, le grand dîner à une heure, et le souper : tout cela pour 1 thaler, ou 3 fr. 70 c. ; certes, ce n’est pas cher ; j’ajoute que maître d’hôtel et domestiques sont très-prévenants pour nous.

De nos fenêtres nous pourrons apercevoir le Brocken, quand il plaira au vent d’ouest de ne plus souffler et au ciel de se débarrasser de ses nuages. Cette vue peut n’être pas à dédaigner ; d’autant que les environs immédiats de Clausthal sont extrêmement pauvres en pittoresque. La ville de Clausthal et celle de Zellerfeld, qui lui fait suite sur la même grande rue (15 000 âmes à elles deux), sont perchées au dos d’une colline aride, colorée à peine de quelques prairies peu luxuriantes, et sur lesquelles les arbres semblent ne pas pouvoir pousser.

L’Oberharz jouit d’ailleurs tout entier de la réputation d’être peu favorisé de la nature : les arbres n’y sont pas beaux, le blé n’y vient pas à maturité ; la richesse seule des mines fait vivre le pays, qui hors de là n’a aucune ressource. Il faut descendre vers la lisière, dans l’Unterharz, pour trouver les accidents de terrains pittoresques, les belles forêts, et une végétation vivante.


Clausthal, 18 juillet.

La pluie ne nous laisse presque pas de répit : nous n’avons eu qu’un beau jour avant-hier, et une matinée agréable hier. Cette courte éclaircie nous a permis de profiter d’une occasion excellente pour notre instruction, et qui s’est offerte juste à point : M. vom Rath, professeur de géologie à l’université de Bonn, était en passage à Clausthal, où il était venu prendre les conseils d’un autre géologue, très-connu par ses travaux sur le Harz, M. Rœmer. Nous lui avons été présentés et nous sommes partis avec lui pour une excursion dans les environs.

La pluie nous a malheureusement arrêtés bientôt : nous n’avons pu voir que le village de Grund, dont la position est charmante, et qui doit au bon air qu’on y respire la renommée d’une ville de bains, quoique l’on ne s’y trempe que dans des infusions de branches d’arbres verts. Tout à côté sont les deux rochers célèbres de l’Ifeld, qui, vus de Grund, paraissent inaccessibles, mais au sommet desquels on arrive d’un autre côté sans grande fatigue ; ces rochers, les seuls abrupts du pays, et qui se détachent au milieu de forêts de sapins, font assez d’effet ; puis la contrée est jolie, le paysage est frais, et contraste avec celui d’où nous sortons.

Près de Grund est l’entrée d’une mine importante, appelée Hülfe-Gottes, dans laquelle nous sommes descendus hier matin, avec le Herr Professor ; — mine métallique et non mine de charbon, comme celles que nous venons de voir au pays belge, mine d’où l’on sort avec ses souliers presque propres, où l’on ne se heurte pas la tête, et enfin où l’on respire à son aise ! En suivant une longue galerie souterraine pratiquée pour l’écoulement des eaux, nous avons revu le jour à Gittelde, ville de l’Unterharz, et nous sommes revenus à travers la montagne jusqu’à l’entrée de la mine, où nos vêtements étaient restés.

Nous comptions prolonger beaucoup cette tournée ; mais la pluie nous a obligés de revenir à Clausthal. Dès hier le Herr Professor nous a dit adieu, pour se transporter dans une autre partie du Harz.


Clausthal, 20 juillet.

Depuis trois jours nous voyons le Harz par un beau temps. Le vent menaçant du sud-ouest règne toujours ; il est même assez violent, mais les nuages ne passent que par instants sur nos têtes ; aussi nous avons enfin aperçu le Brocken. Oserais-je dire que cette vue a été pour nous presque une déception ? Nous nous refusions à croire que ce fût là cette montagne dont les Allemands sont si fiers, cette montagne où la poésie après la légende a logé tant de sorcières, cette montagne qui devrait offrir, même de loin, un aspect imposant, quasi infernal ! Nous la voyons s’élever à peine au-dessus des collines environnantes, et, pour le malheur de l’art, elle est surmontée d’une auberge aux tuiles rouges. J’espère encore que ce n’est là qu’une illusion d’optique, et que, lorsqu’on approche, le caractère devient tout autre ; mais, pour l’instant, le Brocken a beaucoup perdu dans notre estime.

Les environs de Clausthal ont au contraire un peu gagné à être illuminés par le soleil. Lorsqu’on a franchi une bonne demi-lieue de coteaux nus ou couverts de maigres prairies, qui entourent de tous côtés la ville, on arrive à des forêts de sapins, qui se prêtent à d’agréables promenades, et où l’on rencontre de temps en temps quelques gorges assez jolies. Rien de tout cela n’est grandiose ; rien n’y est d’un pittoresque achevé, rien n’y mérite la visite spéciale des touristes, mais au moins cela égayera beaucoup les nombreuses excursions que nous aurons à faire.

Ce qu’il y a de plus remarquable dans ce pays du haut Harz, c’est la multitude de ses canaux et de ses