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laissés et même aux animaux. Le fameux Parsi Sijiboy, que la reine avait fait baronnet, a fondé un hôpital qui ne serait déplacé dans aucune capitale.

Le climat brûlant de l’Inde a forcé les Européens à chercher une forme de construction propre à leur procurer un peu d’ombre et de fraîcheur. La forme qui a le mieux résolu ce problème est un vaste hangar de bois où des pieux sans nombre supportent un toit immense recouvert de feuilles de palmier. L’intérieur en est divisé en divers appartements, et l’air circule avec facilité sous cette immense toiture qui fait l’effet d’une tente. Rien de plus confortable et de plus frais que ces « bongalows. »

Une rangée d’arbres règne tout à l’entour des pieux qui limitent l’espace où l’on érige le bongalow ; une pelouse verte et des fleurs ornent le terrain réservé, et presque toujours une allée ombreuse conduit jusqu’à l’entrée de cet établissement de luxe. Les écuries, les cuisines, les logements des gens de service sont souvent dans l’enclos, mais assez séparés de la maison pour que les maîtres n’en ressentent pas les inconvénients.

Le gouverneur a trois ou quatre résidences à Bombay : son palais officiel est dans la ville murée, mais il préfère ordinairement se tenir à la pointe de Malabar, où la brise de mer rafraîchit son immense bongalow.

Les Portugais avaient fondé un couvent à Parèle. Ce couvent a été converti depuis longtemps en maison de plaisance, et la salle du chapitre est devenue la salle à manger du gouverneur de la présidence de Bombay.

Aussitôt que l’heure des affaires a cessé, les routes se couvrent en tous sens de chevaux rapides qui portent les négociants dans les maisons où leurs familles se sont retirées. Ces villas s’étendent sur toutes les collines ; elles sont souvent bâties dans le goût italien ; des jardins et des fleurs, qui en ornent les abords, rafraîchissent et embaument l’air.

L’eau est un objet de première nécessité dans un pays comme Bombay. De vastes réservoirs à ciel ouvert ont été creusés, et des hommes conduisant des bœufs viennent y remplir leurs outres pour la distribuer dans tous les quartiers ; les abords de ces réservoirs offrent toujours un spectacle très-animé.

Le bœuf est à l’Inde ce que le cheval et l’âne sont au reste du monde. Il a le poil fin, les muscles ressortis. Sa bosse arrête son collier ou son bât, car il porte ordinairement à dos une charge, ou bien il tire une légère charrette qu’il mène au grand trot. Souvent son cou est orné d’un collier de grelots sonores. Quelquefois l’homme le monte comme en Afrique, et plus d’un courrier parcourt de vastes espaces sur un petit bœuf qui a les cornes droites, blanches et presque diaphanes.

Dans l’Inde, gens et bêtes semblent sympathiser. Je n’y ai jamais été témoin de la résistance qu’opposent nos animaux à la volonté de l’homme, comme je n’y ai non plus jamais été témoin des brutalités sans exemple de nos charretiers envers leurs animaux.

Est-ce un effet de climat énervant de l’Inde qui atrophie la volonté de l’animal, lequel se sent moins de vigueur et moins d’esprit d’indépendance, ou est-ce la conséquence d’une plus longue domestication des espèces ? C’est ce que je ne saurais dire. Il est remarquable toutefois que les animaux des pays chauds sont, en général, plus patients que ceux des pays froids : le chameau en Arabie, le lama au Pérou en offrent un exemple aussi frappant que la docilité des bœufs dans l’Inde.

Bombay contient une multitude de temples appartenant aux cultes indou, parsi ou mahométan ; mais aucune de ces constructions n’est ancienne. Quelques-uns de ces temples sont assez élégants, la plupart ne méritent aucune mention.

Il est certain qu’il a existé des temples plus anciens dans cette île, et les Indous visitent encore avec beaucoup d’affluence la pointe de Malabar où l’on prétend que Rama s’était arrêté pendant la marche qu’il fit d’Aoude à Ceylan. Il y adorait un lingam que, tous les soirs, son frère Lakshman lui envoyait de Benarès. Un jour, ennuyé de voir un retard dans l’arrivée de l’objet de son culte, il fit de ses propres mains une idole de sable, et à peine eut-il fini son dieu, que le lingam de Benarès arriva. Il le fit déposer dans un temple où il fut adoré sous le nom de Valuk-Eshwar, le seigneur de sable, jusqu’au moment de l’arrivée des Portugais ; on prétend que l’idole s’élança d’elle-même à la mer à la vue de ces étrangers : il est bien plus probable que ce furent les Portugais qui l’y jetèrent.

Les navires français fréquentent Bombay au nombre de 80 ou de 100 par an ; plusieurs y apportent des chargements de vins ou de spiritueux, d’autres n’y viennent qu’après avoir préalablement porté à Aden le charbon qu’ils avaient pris en Europe.

Ces navires ainsi que les navires anglais reçoivent à leur bord les chargements qui leur sont préparés par les négociants indigènes, parsis ou mahométans. Le coton et le sésame, les cocos séchés sont en général les objets de retour.

Le coton était autrefois un article qu’on se procurait difficilement à Bombay, parce que la grande chaîne des Ghâtes sépare des provinces intérieures les ports de la côte de Malabar. Depuis que Bombay est relié à l’intérieur par un chemin de fer, le prix de revient du coton est moins élevé et permet de l’apporter sur ce marché. Le port de Curatchie relié au vaste réseau qu’arrose l’Indus par un autre chemin de fer, permet également de tirer de ce delta aussi riche que le delta du Nil, s’il ne le dépasse pas, toutes les denrées que produisent les affluents du Scind. Il ne reste plus qu’à introduire dans ces terrains privilégiés la culture des espèces qui sont le plus en rapport avec les besoins du commerce européen.


VII

Temples souterrains. — Caractère de Siva. — Description du temple d’Eléphanta. — Chœur du Trimourti. — Ravan tentant d’escalader le Kailassa. — Naissance de Sakti. — Ardinaths-Eshwar. — Mariage de Siva. — Vira Bhadra. — Bhairava. — Conclusions.

La côte de Malabar est remarquable entre toutes les régions de l’Inde pour l’art avec lequel elle a construit