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peut pas courir. Son ancien maître a bien mérité qu’on lui appliquât la loi Martin.

« Puisque je n’ai rien à faire, réveillons nos souvenirs. Pendant mon séjour au bord de l’Inanda, je m’amusais, pour tuer le temps, à chasser des babouins avec de puissants limiers. Un grand nombre de ces quadrumanes habitaient une ligne de rochers surplombant la rivière, et en descendaient au point du jour pour aller manger le millet des Cafres. J’ai vu souvent Hopeful et Crafty courir un jeune, être chassés à leur tour par les vieux mâles qui arrivaient à la rescousse, écartaient les chiens, enlevaient le jeune et l’emportaient dans leur fort en aboyant d’une manière féroce. Un jour, un de ces effrayants compères vint à passer en vue de la maison ; je lançai immédiatement les chiens, qui le poursuivirent avec ardeur. Après une course de deux milles, se voyant serré de près, il essaya de se brancher, mais trop tard ; les chiens le saisirent et le forcèrent descendre. Se retournant alors, et adossé contre l’arbre, il fit une défense si vigoureuse, que les assaillants reculèrent et attendirent mon arrivée pour fondre sur lui. La victoire leur resta ; mais elle coûta cher à plusieurs d’entre eux, qui eurent d’effroyables morsures.

Baldwin chassant à pied dans la forêt d’Entuméni. — Dessin de Janet-Lange d’après Baldwin.

« Une autre fois, je poursuivais un caamas, j’étais à cheval ; une panthère se trouvait sur ma route, elle se rasa dès qu’elle m’eut aperçu. J’avais alors peu d’expérience, mon compagnon n’était pas moins novice, et j’envoyai chercher un vieux chasseur qui avait l’habitude de ces rencontres. Pendant ce temps-là, j’épiais la bête. J’avançai ; elle bondit en pleine vue de la meute, à cent cinquante pas de distance. Nous trouvant en lieu découvert, la chasse fut magnifique. Lorsque la panthère sentit que les chiens allaient la rejoindre, elle se retourna, et fondit sur eux de manière à les disperser aux quatre vents. Ils revinrent à la charge et finirent par l’acculer contre des rochers, où elle les tint de nouveau à distance respectueuse. Soit que la course eût été trop rapide, soit qu’il eût fait un détour pour éviter les fondrières, notre homme se fit attendre ; il arriva cependant, et après avoir reçu de lui un bon conseil, relativement à ce qu’il y aurait à faire dans le cas où la bête chargerait, nous descendîmes de cheval. Le vieux chasseur mit un genou en terre, visa au milieu de la poitrine et frappa l’animal, qui fut tué roide. J’espérais en avoir la peau, et je ressentais une vive reconnaissance pour les soins que le chasseur mettait à l’enlever, lorsque je vis que c’était pour son propre compte qu’il se donnait cette peine. J’ignorais alors que, pour posséder la bête, il fallait qu’elle reçût de vous la première balle.

Quelque temps après, chassant à pied, dans la forêt d’Entuméni, je fus en butte à la colère d’un vieil éléphant que j’avais blessé ; cette fois-là je l’échappai belle.