Page:Le Tour du monde - 08.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le buffle passa au-dessus de nous.


CHASSES EN AFRIQUE.




DE PORT-NATAL AUX CHUTES DU ZAMBÈSE,


PAR WILLIAM-CHARLES BALDWIN[1].
Membre de la Société de géographie de Londres.
1852-1860. — TRADUCTION INÉDITE PAR MADAME H. LOREAU.




Lutte prolongée avec un buffle. — Sabbat. — Ce qu’il faut pour chasser la grosse bête. Épisode de chasse. — Aventures avec des buffles.

« Le dimanche 16 novembre, j’étais sous ma tente, je savourais un poëme de Byron et comptais sur un jour de repos, lorsque les Amatongas vinrent me supplier de leur tuer quelque chose, disant qu’ils avaient grand’faim. Ils s’étaient fait accompagner d’une masse de jolies filles pour appuyer leur supplique, et m’apportaient de petits présents : un peu de riz, de la farine, de la bière et des œufs. Je finis par me laisser toucher. Ils eurent bientôt découvert la trace de deux buffles, qui, au point du jour, étaient venus pâturer dans la plaine.

Les meneurs relevèrent brillamment la passée au travers d’un bois épais, sombre comme la nuit, et tellement silencieux que la chute d’une feuille en troublait le repos. Tous les Amatongas, sans exception, m’ouvraient le chemin avec une politesse remplie d’égards, et, sans rien dire, m’indiquaient la piste du doigt.

Seulement alors je commençai à prendre intérêt à la chasse ; j’enlevai mon fusil à deux coups des mains de celui qui le portait, je défis mes souliers et j’avançai lentement. J’avais fait ainsi à peu près cent yards, lorsqu’à un détour du sentier, je me trouvai face à face avec un vieux buffle endormi, qui gisait à dix pas. Je mis un genou en terre, j’armai le canon gauche en retenant la détente pour l’empêcher de craquer ; sitôt que je sentis le point d’arrêt je visai au milieu du front ; j’appuyai sur la gâchette, mon fusil s’abaissa, mais le chien s’arrêta au repos.

Le buffle ouvrit immédiatement les yeux ; il se levait déjà, lorsqu’il reçut la balle de mon deuxième coup. Je m’élançai au milieu de la fumée à quinze pas en arrière, et m’accroupis derrière un buisson pour juger de l’effet produit. Tout craquait dans le hallier ; c’était mon buffle qui, debout cette fois et la tête haute, aspirait l’air pour découvrir où je pouvais être. Il ne tarda pas à le sentir, et plongea au milieu de mes broussailles. J’évitai sa charge par un bond de côté ; il se retourna immédia-

  1. Suite. — Voy. page 369.