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stacle qui défend Goa avec bien plus de sûreté que les forts qui avaient été autrefois élevés par la couronne de Portugal. Dès que l’on a franchi cet obstacle on trouve des constructions élégantes qui bordent les deux rives de la rivière jusqu’à Pangim ou nouveau Goa, située à deux milles en amont de la barre.

Quoique nouvelle, cette ville possède des églises fort remarquables et des casernes. Le palais du gouverneur général est un vaste édifice couronné par une série de toits pointus qui couvrent chaque pavillon séparé, ainsi qu’il était d’usage de le faire au siècle dernier, ce qui donne à cet édifice un grand caractère. La chapelle privée du gouverneur s’ouvre sur la place du palais et Son Excellence peut entendre l’office divin sans quitter ses appartements qui donnent sur la galerie supérieure de sa chapelle.

Un vaste escalier en marbre descend de la façade nord du palais jusqu’à la rivière, et de vastes hangars abritent la barge et les canots du gouverneur. Les salons de l’hôtel sont vastes et élevés d’étage, ainsi qu’il convient dans un climat aussi chaud que celui de Goa. Une des galeries contient le portrait des vice-rois et des gouverneurs généraux, qui ont fondé l’empire portugais dans les Indes.

Le temps a malheureusement peu respecté les traces de ces grands hommes dont les traits auraient pu être représentés par une main plus habile.

Son Excellence M. le vicomte de Torres Novas fait les honneurs de son gouvernement avec une affabilité extrême. L’élite de la société de Goa se réunit dans ses salons. Une fois par semaine on peut y admirer les belles Lusitaniennes ; si loin de leur patrie, elles n’ont rien perdu de la grâce de leurs mères.

On est tout d’abord frappé à la première vue du nombreux clergé qui circule dans les rues de Pangim ; mais il est facile de s’en rendre compte en réfléchissant que, bien que les Anglais dominent politiquement toute la côte de Malabar, la direction religieuse y appartient toujours à Goa ; cette ville est le vaste séminaire d’où sortent tous les desservants qui exercent le saint ministère dans l’Inde presque entière.

L’archevêque de Goa avait autrefois le titre de primat des Indes. Au moment où la Cordelière était mouillée dans les eaux de Goa, en décembre 1859, il existait un schisme entre l’archevêque et la cour de Rome, mais le prélat auteur de ce schisme venait de mourir et la concorde renaissait.

M. le vicomte de Torres Novas avait pensé qu’il serait bon de consacrer le retour de l’Église de Goa au giron de l’Église romaine, par l’exposition publique des reliques de saint François-Xavier, l’apôtre des Indes, qui n’étaient pas sorties de leur châsse depuis quatre-vingts ans.

Un grand nombre de fidèles avaient été attirés à Goa par le désir de visiter ces saintes reliques, et la ville avait pris à cette occasion un caractère de fête inaccoutumé.

Le vieux Goa est à deux heures en amont de Pangim. Une chaussée, qui vient d’être réparée par M. de Torres Novas, y conduit et l’on peut facilement y remonter aussi en embarcation. Les chevaux vivent mal à Goa, et y sont par conséquent fort rares : on est obligé de recourir à d’autres moyens de locomotion.

Les palanquins servent de véhicules aux personnes qui ne peuvent se procurer ni voiture ni embarcation. Ces véhicules sont suspendus à un fort bambou que deux où quatre robustes Indiens chargent sur leur tête, tandis que le voyageur s’installe horizontalement sur ce canapé portatif. Tout le talent des porteurs consiste à rompre la cadence du pas, de façon à ce que le patient qu’ils enlèvent presque au grand trot, ne supporte que le moins possible le choc de leurs brusques allures.

La chaussée qui conduit de Pangim au Ribandar et à Goa est bordée de jardins au milieu desquels on se trouve dès que l’on a franchi les arches donnant issue aux eaux d’une lagune qui fait de Pangim une presqu’île. Le Ribandar est un grand faubourg près duquel s’élèvent le palais de l’archevêque et la poudrière ; le palais de l’archevêque a pris le nom de la poudrière à cause de sa proximité de cet établissement ; ses jardins sont en terrasse et l’édifice fait face au nord ; au grand nombre des fenêtres de cette façade, on peut juger de son importance, mais le séjour de ce palais passe pour être humide et malsain, en sorte que les Métropolitains ont fait élever un nouvel hôtel à Pangim.

Lorsqu’on remonte de Pangim au vieux Goa par mer, on voit sur la rive droite de la rivière, dans une des îles du fleuve nommé Chovas, un vaste édifice muni à l’un de ses angles d’une haute tour carrée ; il était destiné à élever les novices des jésuites, qui dominaient autrefois une partie de l’Inde. Depuis l’exclusion de cet ordre du Portugal, le collége tombe en ruine ; on prétend même qu’il avait été évacué avant la confiscation des biens de l’ordre. En remontant encore la rivière pendant quelques milles, on se trouve en face du vieux Goa ; il faudrait une puissante imagination et des connaissances archéologiques bien précises pour reconstruire par le souvenir la ville des vice-rois.

Goa est du reste une ville relativement nouvelle, construite dix-neuf ans seulement avant l’arrivée des Portugais dans l’Inde. Quoiqu’elle fût gouvernée par ses propres rajahs, elle dépendait du rajah de Belgaoum, et il est probable que cette principauté elle-même était un démembrement du royaume de Visapour. Les Indiens ont tenté de refaire une nouvelle Goa dans le sud de l’ancienne.

Un quai assez bien entretenu donne aujourd’hui accès à une chaussée qui passe sous l’arc de triomphe d’Albuquerque. Cet arc ne fait honneur ni au crayon de son architecte, ni au ciseau du statuaire qui y a retracé les traits du héros.

L’ancien palais du vice-roi s’étendait à gauche de cette entrée, si l’on en juge par quelques terrasses couvertes de broussailles, ses seuls vestiges, il devait être immense. Le couvent des théatins, sous l’invocation de saint Cajetan, y attenait ; l’église de ce couvent, construite sur le modèle de Saint-Pierre de Rome, servait