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Habitation d’un chef de talapoins, à Nophabury. — Dessin de Thérond d’après une photographie.


VOYAGE DANS LES ROYAUMES DE SIAM, DE CAMBODGE, DE LAOS

ET AUTRES PARTIES CENTRALES DE L’INDOCHINE,


PAR FEU HENRI MOUHOT, NATURALISTE FRANÇAIS[1].
1858-1860. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


XXIV

Nophabury. — La procession annuelle de l’inondation. — Les talapoins, prêtres, moines, prédicateurs et instituteurs. — Le parc aux éléphants d’Ajuthia. — Grande battue. — Départ pour le nord-est. — Saohaïe et la province de Petchaboune.

Avant de quitter définitivement les plaines de Siam, je voulus profiter des facilités que leur inondation donnait à la navigation d’une barque comme la mienne pour pousser une pointe jusqu’à Nophabury, la Louvo des écrivains du dernier siècle, où les rois de Siam, avant la ruine d’Ajuthia, avaient leur résidence d’été et venaient chasser l’éléphant pendant les hautes eaux. Située à la limite des basses et hautes terres du bassin du Ménam, cette ville, quoique bien déchue, est encore le chef-lieu d’une des plus riches provinces du royaume, de la plus agréable peut-être. Dominant au midi les plus fertiles rizières du Delta, elle s’appuie au nord sur des collines couvertes de plantations de corossols et de bananiers, et que domine à l’horizon bleuâtre un vaste demi-cercle de montagnes boisées. Tel est, du moins, l’ensemble du paysage que j’embrassai du haut d’une petite pagode, qui fut autrefois un temple catholique, ainsi que le constatent son architecture et l’inscription : Jesus hominum salvator, gravée en lettres d’or sur le baldaquin d’un autel à colonnes cannelées dans le goût du dix-septième siècle.

Ce temple était la chapelle même du palais de Constance, cet aventurier de génie qui le premier rêva la rénovation de l’Orient par l’Occident, invoqua pour ses

  1. Suite. — Voy. pages 219, 225, 241, 257, 273, 289 et 305.