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à Ajuthia des maisons qui leur servent à la fois de magasin et de pied-à-terre ; ils viennent s’y reposer une semaine ou deux pendant les chaleurs.

Ruines à Ajuthia. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Les seuls restes visibles de l’antique sont un grand nombre de wats ou temples plus ou moins ruinés. Ils occupent une surface de plusieurs milles d’étendue et sont cachés par les arbres qui ont poussé tout alentour. Comme la beauté d’un temple siamois ne consiste pas dans son architecture, mais bien dans la quantité d’arabesques qui recouvrent ses murs de brique et de stuc, il cède bientôt à l’action du temps et devient, s’il est négligé, un amas informe de bois et de briques recouvert de toutes sortes de plantes parasites. Il en est ainsi des monuments d’Ajuthia. Un monceau de briques et de terre, que surmontent encore quelques sommets, marque la place où, dans un temps, des milliers de croyants sont venus se prosterner devant l’autel de Bouddha. Les angles de cet immense quadrilatère de décombres, dont j’ai suivi en tous sens, mais non sans peine, les murailles bouleversées et frangées de broussailles, sont encore indiqués par des dômes ébréchés et des pyramides écroulées, dont les gravures ci-jointes représentent fidèlement l’aspect actuel. Au centre d’une niche antique, démantelée, dont la base seule résiste encore aux outrages du temps et de l’atmosphère, j’ai mesuré une statue de Bouddha (ou de Gautama, comme on l’appelle ici). Elle a dix-huit mètres de hauteur et paraît de bronze au premier coup d’œil ; mais j’ai constaté que, tout entière maçonnée en brique à l’intérieur, elle était simplement revêtue de plaques d’airain de trois centimètres d’épaisseur. Mgr Pallegoix prétend que les ruines d’Ajuthia recèlent d’inépuisables trésors et qu’on y fouille toujours avec succès. Selon lui, une seule des statues qui dorment aujourd’hui sous les éboulis des temples antiques avait exigé, pour sa confection, 25 000 livres de cuivre, 2 000 livres d’argent et 1 100 livres d’or ! Aujourd’hui le vautour et l’orfraie nichent dans la couche de décombres qui les a ensevelis.

Au centre d’une plaine, à quatre milles environ de la ville, il y a une pyramide sacrée d’une hauteur et d’une largeur immenses ; elle sert en quelque sorte d’asile et le roi vient encore parfois la visiter. On n’y arrive qu’en bateau ou à dos d’éléphant ; car il n’y a, en fait de route, pour aller jusque-là, qu’un canal ou des terrains marécageux. Cet édifice est très-célèbre chez les Siamois à cause de sa hauteur ; mais le seul attrait qu’il puisse avoir pour un étranger, c’est la vue magnifique qu’on a de son sommet. Ainsi que tous les autres monuments du même genre, celui-ci est composé d’une succession de degrés partant de la base pour arriver au faîte ; quelques images mal faites viennent distraire la monotonie de cet édifice de brique. Il n’a aucun de