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tout ce que je compris fut une chasse au cerf des plus puériles. Un acteur coiffé d’une tête de cerf s’élance sur la scène ; on le poursuit pendant quelques secondes, on l’atteint, on le tue, on l’emporte, on le fait cuire et on le mange sur la scène ; tout cela en moins de temps que je n’en mets à l’écrire. La mésaventure de cet Actéon siamois n’était cependant pas la catastrophe dernière du drame ; la représentation durait depuis six heures, lorsque, profitant du départ de Sa Majesté, qui nous avait faussé compagnie sans mot dire, je me retirai non moins discrètement, et parfaitement édifié sur l’art dramatique parmi les Siamois.

Catafalque pour les funérailles royales. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Il faut l’avouer, ils ne déploient un art véritable que dans la mise en scène de l’acte qui clôt le passage de l’homme sur la terre, dans la mise en scène des funérailles. C’est un cérémonial qui dure au moins trois jours pour le mandarin ou bourgeois un peu riche, trois jours remplis de feux d’artifices, de sermons de talapoins, de comédies nocturnes, de jeux variés, et surtout de festins. Quand il s’agit d’un cadavre ayant porté couronne, c’est bien autre chose !… les infimes, les esclaves, les vils cheveux, les animaux de Sa Majesté (traductions siamoises de fidèles sujets) peuvent compter alors sur six mois de spectacles et sept grands jours de liesse et bombance.

Henri Mouhot.

(La suite à la prochaine livraison.)