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vers l’île Varenide. À une heure de l’après-midi, les glaces apparurent pour la première fois. C’était une banquise peu serrée qui fut traversée sans difficulté. Cependant on mouilla de nouveau sous l’île Varandei pour y attendre un changement de vent. Les glaces n’étaient pas épaisses, il est vrai, mais en louvoyant, il était difficile de ne pas se heurter à quelques-unes d’entre elles.

Le calme ou les vents contraires retinrent les navires jusqu’au 13 ; ce jour-là une légère brise s’éleva du sud, et l’Iermak reprit sa course avec l’Embrio à la remorque.

La goëlette l’Iermak et l’Embrio.

La brise fraîchit, la goëlette fila sept nœuds. À six heures et demie, nouvelle barrière de glace, mais celle-ci plus épaisse ; cependant du haut des mâts on voyait la mer libre à peu de distance. L’Iermak largua sa conserve et entra dans la banquise. Les manœuvres étaient incessantes, il fallait constamment changer de direction pour suivre les canaux étroits que laissaient entre eux les glaçons. La brise était fraîche, et la goëlette marchait très-vite. Il n’y eut pas cependant de choc trop rude, et au bout d’une heure les deux navires se retrouvèrent dans la mer libre.

Deux heures plus tard, nouvelle banquise ; la nuit s’avançait, mais le mouillage était pris, il valait mieux passer la nuit à l’abri qu’au milieu de tous ces îlots en mouvement : les succès précédents enhardissaient d’ailleurs.

La goëlette et l’Embrio entrèrent résolument dans le premier canal qui se trouva devant eux. Le vent était fort, on avait diminué de toile autant que possible. Cependant les navires marchaient toujours très-vite, et si l’on évitait les grosses glaces on abordait souvent les petites. Il y eut de rudes chocs. Deux fois la goëlette s’arrêta court, tressaillant dans toute sa membrure, puis elle reprit sa course. L’Embrio, plus petit, suivait sans trop d’obstacles le chemin ouvert. Après une heure et demie de cette rude navigation, la mer redevint libre. On passa la nuit sous l’île Doga.

Le 14 août au matin, les deux navires reprirent leur route ; ils rencontrèrent de nouvelles banquises : l’Embrio resta en arrière ; cependant à neuf heures il rejoignit. On le voyait de loin, poussant avec des gaffes, puis nageant avec des avirons, se halant à la tonline sur les glaces plates ; enfin il arriva. La goëlette le prit à la remorque, et l’on gouverna sur le détroit de Vaigatz. À midi, on apercevait la grande terre et l’extrémité sud de l’île. En approchant, on reconnut que le détroit n’était point obstrué par les glaces, que la côte de l’île de Vaigatz paraissait également dégagée, mais qu’il y en avait des masses immenses tout le long de la grande terre.

On sondait fréquemment. La goëlette était pourvue d’un appareil particulier, employé dans les sondages de la mer Caspienne, et au moyen duquel on rapportait des spécimens du fond, des coquilles de mollusques et quelquefois même de petits poissons.

Voyant le détroit dégagé, on força de voiles pour le traverser dans la nuit. Au moment où les navires passaient dans la partie la plus étroite, des Samoyèdes, campés sur l’île Vaigatz, montèrent sur les toits de leurs iourtes et poussèrent des hourras ; ils agitaient leurs bras et semblaient exprimer leur profond étonnement. À sept heures du soir, on aperçut la mer de Kara, elle parut couverte de glaces bien plus grandes et bien plus élevées que celles que l’on avait vues jusqu’à ce moment. Afin de ne pas se trouver au milieu de l’obscurité dans un voisinage dangereux, les deux navires s’approchèrent de la côte de l’île Vaigatz et trouvèrent un mouillage qui parut très-bon sous le cap Kaninn. Le fond était de roches à la vérité, mais il n’y en avait pas d’autres aussi bien à la grande terre que dans l’ouest de la Nouvelle-Zemble. La pointe s’avançait très au large