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travaux de tissage et que le déjeuner se prépare. Après le repas du matin, chacun va chercher le coin le plus frais pour la sieste ou mguiil[1].

Les habitants d’Ouargla sont généralement bons, hospitaliers, probes, très-dévots, au moins ostensiblement, et, avec cela, très-amis des plaisirs sensuels. Il y règne une plus grande facilité de mœurs que dans le nord de nos possessions algériennes : ce qu’il faut attribuer à l’oisiveté de la population en général, à la condition et à l’éducation misérable des femmes, et enfin aux agréments des jardins qui invitent aux promenades.

Les femmes des riches ne sortent que rarement et toujours accompagnées de leurs négresses et voilées de noir, ou des femmes de leurs aratins. Elles se tiennent le plus souvent sur leurs terrasses et vaquent aux soins de leur intérieur ; aussi le reproche de légèreté s’applique-t-il rarement à elles : il s’adresse aux malheureuses femmes d’aratins, surtout aux veuves et orphelines, et enfin aux négresses. Misère et malheur sont de mauvais conseillers en tous pays.

La nourriture des habitants consiste surtout dans les dattes et le lait. Chaque famille possède quelques chèvres ; les caravanes apportent de l’orge en échange des dattes, et cela permet de faire quelquefois du couscous et de la galette. Les jardins donnent quelques légumes, surtout des carottes, navets et oignons ; il est à regretter que les habitants ne sèment pas de riz dans les rigoles qui sillonnent les jardins : ce serait pour eux une ressource précieuse que nous leur avons fait connaître.

Prière du soir ou du maghreb (voy. p. 194). — Dessin de M. Alfred Couverchel.


XIV

Quinze jours après notre arrivée à Ouargla, la mission politique de notre colonne était accomplie, l’impôt était versé et les hommes de désordre en notre pouvoir. Les maladies commençaient à sévir parmi nos gens. Le départ fut fixé au 28 mars, dans le but d’arriver à Metlili la veille de la fin du rhamadan et de passer la fête dans cette oasis.

La veille du départ, pendant que les derniers préparatifs se faisaient, le bach-agha Si-Bou-Beker, voulant donner à M. Couverchel, chargé par le gouvernement de faire un tableau de la prise du chérif, une idée assez exacte de son beau fait d’armes, fut autorisé à aller, avec le goum et quatre cents fantassins, opérer dans les hautes dunes, situées à une lieue du camp, un simulacre de la lutte qu’il avait eu à soutenir. Je ne raconterai qu’un épisode assez original de cette petite guerre. Pour être entièrement dans le vrai, le jeune bach-agha costuma un bon diable de sa suite

  1. MM. de Lajolais et Couverchel, qui ont passé toutes les journées à fouiller le ksar, pénétrant partout, devinant tout, même ces intérieurs jusqu’ici impénétrables, ont rencontré l’accueil le plus sympathique et le plus désintéressé. Ils m’ont répété plusieurs fois depuis que c’est à Ouargla qu’ils ont trouvé le plus de facilités pour leurs travaux et de bienveillance dans la population. Plusieurs Ouargliens leur ont même demandé leur portrait.