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Les Arabes sont de la même race que les nomades qui dépendent de l’oasis. Ils sont généralement peu fortunés.

Bahous-Ben-Babia, caïd de N’goussa. — Dessin de M. de Lajolais.

Les Mozabites sont des réfugiés du M’zab venus depuis des siècles s’installer à Ouargla pour y commercer. Ils sont pour la plupart riches. Ils n’habitent que dans deux quartiers de la ville, chez les Beni-Sissin et Beni-Ouaggin. Leur absence totale du quartier des Beni-Brahim tient à un événement terrible que les annales font remonter à 1652. Autrefois les Mozabites habitaient dans les trois quartiers. Devenus très-riches, ils étalaient un luxe insolent et des prétentions aristocratiques basées sur leurs richesses. Fort intrigants par leur nature, ils étaient mêlés aux questions politiques. Un complot fut formé pour punir leur conduite ; le motif avoué de la conspiration était leur dissidence religieuse. On sait que les habitants du M’zab sont aux vrais mahométans ce que les protestants sont aux catholiques apostoliques romains. Une Saint-Barthélemy fut décrétée d’un commun accord. La nuit fixée pour la terrible sentence, les Beni-Brahim se levèrent comme un seul homme et massacrèrent tous les Mozabites de leur quartier jusqu’au dernier. Les Beni-Sissin et Beni-Ouaggin hésitèrent d’abord, puis s’abstinrent. Depuis cette époque pas un originaire du M’zab n’a habité chez les Beni-Brahim.

Les Aratins sont une race à part ; ils sont les autochtones autrefois dépouillés par l’invasion musulmane et assujettis à la glèbe à titre de fermiers. On les retrouve surtout dans les oasis centrales de l’Algérie ; leur histoire est encore à faire. Quant à leur origine autochtone, nos convictions, que nous ne pourrions développer ici à cause des longueurs que cela exigerait, sont bien arrêtées. Nous avons déjà formulé cette opinion dans un travail officiel, non livré à la publicité. Les signes caractéristiques de leur race sont distincts, et leurs mœurs témoignent d’une sujétion bien définie à un peuple conquérant, dans des conditions différentes de l’esclavage et tenant à un pacte entre vaincus et vainqueurs. Les Aratins sont noirs, mais d’un noir bleu particulier qui n’est pas celui du Soudanien importé.

Enfin, les nègres sont d’origine soudanienne ; ils proviennent de l’importation par la traite terrestre. La traite par caravane n’amène que des femmes et des enfants. La condition de la femme en Nigritie n’est pas des plus fortunées, et le changement que lui apporte l’esclavage est par suite bien minime. Quant aux enfants ils prennent vite les habitudes de leur position nouvelle, et d’ailleurs chez les musulmans, l’esclavage est loin d’avoir les rigueurs que nous lui supposons. L’esclave est un serviteur aimé et choyé, il est de la famille, on le traité avec égard, et pour un exemple de dureté d’un maître envers un esclave il y a mille exemples d’ingratitude de ces derniers envers leurs propriétaires. Les nègres d’Ouargla connaissent bien nos lois qui les affranchissent, et pas un ne demande à en profiter. Que feraient ils de leur liberté dans un pays où il faut s’ingénier pour travailler et vivre ? ils en seraient embarrassés, ils préfèrent rester ce qu’ils sont, ayant ici-bas une famille qui est pour ainsi dire la leur et ne les abandonne jamais.

Telles sont les quatre races principales que nous trouvons à Ouargla, en dépit des mélanges qui ont un peu confondu et les traits et la couleur.

Petite place du quartier nègre, à Ouargla. — Dessin de M. de Lajolais.

Tout le monde vit des produits du sol et des échanges que ces derniers procurent. Quelques Mozabites font bien un peu de commerce, mais point de ce trafic cherché par nos commerçants et consistant en denrées de l’intérieur de l’Afrique. Leur négoce consiste en achat et vente de laines, céréales, dattes, épices, cotonnades. C’est le M’zab qui fournit les importations coloniales et celles du Tell algérien ; ce sont les caravanes des hauts plateaux qui emportent l’excédant des produits des jardins, en échange de céréales, beurre et viande sur pied.

L’habitant d’Ouargla n’a qu’une occupation, celle de ses jardins. S’il est riche, il surveille ses nègres ou ses fermiers aratins ; s’il est pauvre, il cultive lui-même son terrain. Le gros travail des jardins est l’arrosage. Les canaux des puits artésiens rendent la besogne facile. Près des rigoles conductrices de l’eau, on sème un peu de blé, quelques légumes, carottes, navets, pastèques et melons.

V. Colomieu.

(La fin à la prochaine livraison.)