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lerie se range à son tour, et quelques minutes après il ne reste plus, à l’endroit ou naguère il y avait tant de bruit et de mêlée, que quelques tisons mourants dont la lueur se perd insensiblement.

Le 12, nous allâmes coucher à El-Gholga, après une marche de huit heures et demie pour nos chevaux, à travers une plaine sans végétation et sans fin. El-Gholga est un bas-fond faisant suite à l’Oued-Metlili. Il y a là des dunes de sable et, par suite, du drinn et du bois. Nous eûmes l’occasion de poursuivre en route quelques autruches, mais sans pouvoir les tirer. À El-Gholga, un de nos chameliers fut mordu par une vipère à cornes, à l’index de la main droite. Le malheureux, en fauchant du drinn, avait choisi une touffe qui cachait le reptile ; heureusement nous étions près de lui, et une prompte opération le garantit de tout danger. Pendant que l’on liait fortement son doigt, on chauffait une lame de fer à blanc, et, après l’avoir cautérisé jusqu’à l’os, nous mettions sur la plaie un peu de charpie imbibée de zem ou graisse d’autruche. On fit boire ensuite au patient, d’après les conseils arabes, un demi-litre de beurre fondu, et la guérison la plus complète couronna l’œuvre.

Une partie de la soirée fut employée à remplir de drinn les filets à fourrage, pour la journée du lendemain.

Le Bach-Agha Si-Bou-Beker. Naëmi. Sid-Lalla, caïd de Ouargla. — Dessin de M. Alfred Couverchel.

Le 13 fut notre journée la plus fatigante : toujours les steppes unies et sans fin à parcourir. Nous nous arrêtâmes au coucher du soleil, quelques minutes après avoir aperçu à l’horizon les hautes dunes nommées El-Eurma. La marche de la cavalerie avait duré neuf heures et demie, ce qui donne cinquante-six à cinquante-sept kilomètres pour la distance franchie. Les chameaux n’avaient rien trouvé à broutiller en route : on leur fit leur part du drinn des filets ; mais, malgré nos soins, nous eûmes le lendemain une soixantaine de ces animaux qui refusèrent de se lever. Nous fîmes la provision d’eau d’une vingtaine d’hommes, qui furent chargés de les amener tout doucement aux dunes d’El-Eurma pour les placer ainsi au milieu des pâturages, et les charges furent réparties sur le restant de la caravane.

Le 14, après trois heures de marche, nous arrivions aux grandes dunes d’El-Eurma. C’est une longue colline de sable qui se dresse au centre d’une immense daya nue ; la dune peut avoir trois lieues de longueur ; la daya où elle se trouve, environ quatre à cinq lieues. Quand nous quittâmes les steppes pour entrer dans la daya, nous eûmes à serpenter dans un terrain tout bistourné par les eaux. Nous nous dirigeâmes au sud de la dune, afin de la contourner sur les sables moins élevés qui en forment le pied.

Le point où nous franchîmes les sables se nomme Bot-Teboul (frappe-tambour). Ce nom est donné à un petit mamelon en forme de cône tronqué qui sert de séjour à une foule d’esprits frappeurs qui adorent le tambour et se livrent la nuit à de joyeux ébats. Plusieurs de nos guides nous affirmèrent avoir entendu, la nuit, le tambour, quand ils passaient près de Bot-Teboul. Nous eûmes garde de les dissuader, car il nous sembla que, par la conformation accidentée du terrain en ce point, il