Page:Le Tour du monde - 08.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi, et en peau. Ce col est assez long pour que l’on puisse le relever et faire arriver son ouverture au niveau de la grande ouverture du vase, de manière à former ainsi un siphon renversé. On comprend que la double poche de ce siphon étant remplie d’eau, le liquide est parfaitement maintenu. C’est là la position que l’on donne au vase quand il a été rempli au fond du puits pour le hisser. Arrivé en haut, il suffit de lâcher la corde qui maintient la petite branche du siphon, pour que tout le vase se vide. On dirige donc cette branche du siphon vers le bassin, pour y verser l’eau. Pour faire remplir le vase, on le retourne au moment où il arrive au niveau de l’eau, et il se remplit alors absolument comme un entonnoir renversé.

À chacune des branches du vase-siphon est attachée une corde qui sert au hissage et à la manœuvre du vase, soit pour le faire vider, soit pour le remplir. Ces cordes passent sur deux poulies qui sont placées à l’ouverture du puits, à des différences de hauteur telles que, par la simple traction des deux cordes, le vase se vide seul dans le bassin.

À chaque opération on élève ainsi de quarante à cinquante litres d’eau. Pour que la traction sur les cordes soit plus facile, un plan incliné est disposé à côté du puits, et les travailleurs, attelés aux cordes, descendent sur ce plan incliné et élèvent ainsi l’eau. On emploie souvent des chameaux à ce travail, et, pour les y habituer, des femmes et des enfants, placés aux deux extrémités du plan incliné, leur donnent à chaque voyage une pelote d’herbe ou une poignée de noyaux de dattes.

C’est au moyen de ce pénible procédé que tout le terrain de l’oasis est irrigué ; aussi le travail est-il incessant.

Malgré ces difficultés, pas un pouce de terre n’est perdu. Tout ce qui fait vivre est utilisé, et, devant ce sentiment du besoin, tous les autres ont dû se taire.

Afin de ne rien perdre du sol productif, on a dû même refuser aux morts, dans le terrain de la vallée, cette modeste et minime part de terre qui est dévolue à nos corps, lorsque nous ne sommes plus. La nécropole de Metlili, ce sont les gradins rocheux des montagnes qui l’entourent. Ces gradins forment une série de corniches sur l’entablement desquelles on couche les trépassés, pour leur bâtir ensuite un sépulcre qui les enveloppe. La montagne se trouve ainsi recouverte d’une couche humaine, alignée et maçonnée sur ses escaliers ; elle ressemble à ces mamelons ardus de nos pays vignobles, ou l’on a étagé des murs pour soutenir les terres : seulement, au lieu de ceps de vignes, on ne voit dominer que les sommets de pierres placées debout, qui, chez les musulmans, signalent la tête et les pieds de chaque tombe.

Metlili, vue prise de l’est. — Dessin de M. de Lajolais.

Metlili n’a point de murailles et n’en a pas besoin. Sa protection consiste dans le voisinage des nomades qui sont alliés de l’oasis, les Chambâa Berazga. Une autre protection, c’est celle du patron de la ville, le grand marabout Sidi-Chikh, qui a défendu, il y a plus d’un siècle, aux nomades d’attaquer Metlili, prédisant malheur à ceux qui s’y risqueraient. Il prescrivit en même temps aux Metliliens de ne jamais se bâtir de murailles, s’ils voulaient conserver ses bons offices. Prédictions et prescriptions durent depuis ce temps, et rien ne les a démenties. Il faut dire que la plupart des nomades sont propriétaires des jardins de l’oasis, et que les habitants sédentaires ne sont que leurs fermiers.

V. Colomieu.

(La suite à la prochaine livraison.)