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En route ! Les estomacs sont déjà impatients, et nous devons déjeuner à Zagazig.

Entre le Caire et la ville de Bena, au point où le chemin de fer coupe le Nil, est soudé un embranchement de la voie qui se dirige à l’est vers le désert de Suez. Il aboutit à Zagazig. Cette ville est le point de départ des voyageurs qui vont dans l’Isthme par le Caire.

Deux cours d’eau se réunissent à Zagazig. L’un des deux coule naturellement au nord vers la mer et le lac Menzaleh. Il alimente ce qui reste de l’ancienne branche Tanitique. L’autre s’épanche dans un canal orienté à l’est vers le désert. Une ligne droite, tracée à cette hauteur, et dirigée de l’ouest à l’est, aboutit au milieu de l’Isthme sur le rivage du lac central qu’on appelle le lac Timsah. Cette ligne est celle d’un canal d’eau douce qu’a creusé la Compagnie et qui sert à deux fins : au transport économique des matériaux et approvisionnements ; à l’arrosage des terres. Au lac Timsah il rencontre le canal Maritime, et changeant de direction il infléchit au sud par un brusque détour et va porter vers Suez le bienfait de son eau fécondante.

Le canal Maritime, au contraire, qui doit donner passage à la grande navigation va droit du nord au sud, de la Méditerranée à la mer Rouge en traversant ou côtoyant les lacs Menzaleh, Timsah et les lacs Amers.

Groupe de chameliers près du canal de Suez.

Pour résumer les explications précédentes, nous prions le lecteur de se figurer deux lignes : l’une horizontale, allant de l’ouest à l’est : c’est le canal d’eau douce qui, prenant son origine à Zagazig, conduit les voyageurs au centre de l’Isthme ; l’autre verticale, courant du nord au sud : c’est le canal Maritime. Partant de Zagazig, nous avons donc à suivre le cours du canal d’eau douce jusqu’au lac Timsah où nous entrons dans le canal Maritime qu’il nous reste à remonter jusqu’à la Méditerranée. Tel est l’itinéraire du noble fonctionnaire anglais que nous accompagnons. Par le fait, il comprenait alors à peu près tous les travaux. Depuis lors les progrès ont été rapides. Aujourd’hui, pour compléter l’inspection, il faut pousser une pointe vers Suez, et nous ne manquerons pas d’y conduire le lecteur.

Zagazig serait un village en France. Mais les villages égyptiens n’étant qu’une réunion de huttes, construites avec de la boue desséchée, et ressemblant à s’y méprendre aux habitations des castors, toute réunion de maisons de pierre ou de bois a droit au titre de ville, quelles que soient d’ailleurs la dégradation et la bizarrerie de ses édifices. On pénètre dans l’enceinte de Zagazig par une ouverture cintrée, qui pourrait recevoir deux battants de porte. L’ambassadeur, guidé par M. de Lesseps, s’éloigne rapidement avec son monde. Nous restons en arrière un instant pour reconnaître l’état de nos bagages. Les employés sont précisément occupés à les tirer du fourgon. Leur méthode de distribution est assez expéditive, et je ne sais en vérité si, malgré des inconvénients évidents, elle n’est pas encore préférable à cet arrangement régulier, mais si lent, qui, dans nos gares, impose aux voyageurs souvent fatigués et transis une interminable attente.

Malles, valises, cartons, manteaux, fusils, et tous les colis quels qu’ils soient, sont entassés sur le quai du chemin de fer. Les voyageurs démêlent, comme ils peuvent, leurs effets dans ce monceau d’objets de toute forme et de toute valeur. Quand chacun a extrait sa propriété du fond de cet amas qui s’écroule, ce qui reste est abandonné en plein vent, et pourrait, sans aucun doute, se détériorer, si quelque Arabe ou quelque Juif soigneux n’arrivait toujours à point pour le mettre à l’abri dans son gîte et le préserver en se l’appropriant.