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vant sur parole, surtout quand ce savant, qui s’est couché le soir entomologiste et chasseur d’insectes, se lève le matin archéologue, ethnographe et, ce qui est pire, affamé de célébrité !

Montée d’Habaspampa.

Quand j’eus saisi tant bien que mal l’aspect général des cerros d’Ollantay, les cavités et les reliefs de leurs latomies et fait un croquis de la forteresse en pisé qui borde la rivière, je complétai mon œuvre par une vue du village moderne et celle des ruines de l’ancien tampu fortifié. Ce tampu me remit en mémoire, avec la chronique qui s’y rattache, certaine tragédie écrite en langue quechua par un certain docteur Antonio Valdez. — En poésie, a dit un esprit éminent, il n’y a pas de bons et de mauvais sujets, mais seulement de bons et de mauvais poëtes… Dieu nous garde d’écrire ici que le docteur Valdez est un mauvais poëte, bien que ce soit notre conviction intime ; mais nous pensons que le sujet dont il fit choix n’offrait, même en violant les trois unités d’Aristote, aucun incident dramatique dont un auteur pût tirer parti. Du reste, nous allons mettre le lecteur à même d’en juger lui-même, en extrayant de notre livre de notes et plaçant sous ses yeux la chronique d’Ollantay, telle que les quippus des siècles passés l’ont transmise à la génération de notre époque :

« En 1463, c’est-à-dire vingt-neuf ans avant la découverte de l’Amérique, Tupac Yupanqui, onzième fils du Soleil et premier-né de la descendance Capac-Ayllu-Panaca, régnait sur le Pérou. La mort de son père l’avait mis en possession de ce vaste empire des Incas qui s’étendait alors des bords de la rivière Rapel (Chili) aux confins du royaume de Lican, aujourd’hui république de l’Équateur. Marié à sa propre sœur, Mama-Chimpu Ocllu, Tupac avait eu de sa femme et de ses nombreuses concubines deux cent quatre-vingt-onze enfants, parmi lesquels on comptait trente-quatre fils légitimes qui vivaient à sa cour en attendant que la couronne échût, par droit d’hérédité, à l’aîné d’entre eux. Cet aîné, appelé Huayna-Capac, devait un jour être père de Huascar et d’Atahualpa, ces princes rivaux dont le premier devait mourir assassiné par ordre de son frère, et le second être étranglé par la main du bourreau. »

À l’époque où se passe cette histoire, la ville de Cuzco, capitale de l’empire, tout en conservant la physionomie que lui avait imprimée, en 1042, Manco-Capac, son fondateur, s’était embellie de quelques édifices pendant les règnes successifs de neuf Incas, dont le dernier d’entre eux, restaurateur du temple du Soleil, l’avait entourée d’un mur d’enceinte percé de meurtrières.

En gravissant en idée la colline du Sacsahuaman que l’Inca régnant venait de couronner d’une forteresse, œuvre bizarre figurant trois demi-lunes dentelées placées