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Le troisième corps, composé de deux cents amazones seulement, avait pour arme un court et large tromblon, et pour costume une tunique mi-partie bleue et rouge, comme certains costumes du moyen âge. C’était le reste des artilleurs, que le petit nombre des pièces en état de servir n’avait pas permis, sans doute, d’utiliser dans leur spécialité.

Enfin venait, à l’arrière-garde, un léger et charmant bataillon de jeunes filles armées seulement d’arcs et de flèches, élégamment vêtues de tuniques bleues, coiffées de la calotte blanche brodée du caïman bleu, et portant au bras gauche le bracelet d’ivoire sur lequel doit glisser la flèche en s’échappant de l’arc. Ce sont les recrues de l’armée des amazones ; on les choisit parmi les jeunes filles vierges des meilleures familles du royaume, et elles payent de leur vie l’oubli du vœu de chasteté qu’elles font en entrant dans la garde du roi.

Ces divers corps réunis, formant, comme je l’ai dit, un total d’environ quatre mille femmes, défilèrent devant nous en assez bon ordre. Bientôt sur un signal de la générale en chef, reconnaissable aux queues de cheval pendues à sa ceinture, les mêmes scènes que nous avons décrites plus haut se renouvelèrent, mais avec plus d’animation et de furia. Il est difficile de raconter, de se figurer même le tableau que présentaient, sous un ciel de feu, au milieu du tourbillon de poussière et de fumée, du pétillement de la mousqueterie et du grondement du canon, ces quatre mille femmes haletantes, enivrées de poudre et de bruit, s’agitant convulsivement avec des contorsions de damnés en poussant les cris les plus sauvages. Enfin, quand tout fut épuisé, les munitions et les forces, l’ordre et le silence se rétablirent peu à peu ; les amazones, reprenant leur rang, vinrent se placer à la droite du roi.

USTENSILES ET INSTRUMENTS.

Ce fut alors le tour des chasseresses d’éléphants, qui n’avaient pas pris part à la scène précédente, et qui voulurent aussi nous donner un spécimen de leur savoir faire. Elles se formèrent en cercle et, rampant sur les mains et les genoux sans abandonner leur carabine, elles s’avancèrent convergeant vers un même point où était censé se trouver le troupeau d’éléphants. Nous crûmes reconnaître alors l’utilité de cette espèce d’armement, les cornes, qu’elles portent sur leur tête. Sans doute, quand elles s’approchent des animaux qu’elles chassent, ceux-ci, trompés par ces fausses cornes, croient voir et entendre un paisible troupeau d’antilopes, et restent sans défiance exposés aux coups des chasseresses. Arrivées près des éléphants, elles se levèrent toutes à la fois au signal de leur chef, en déchargeant leurs carabines ; puis, le couteau à la main s’élancèrent pour les achever et leur couper la queue, trophée de leur victoire. Elles revinrent ensuite en chantant reprendre leur place.

À ces scènes guerrières succédèrent des tableaux plus riants et plus tranquilles. Les jeunes amazones, armées d’arcs, sortant à leur tour du milieu de leurs compagnes, vinrent se ranger devant nous, et, conduites par une des plus jeunes et des plus jolies d’entre elles, exécutèrent, en chantant, une danse guerrière, tenant d’une main leur arc et de l’autre une flèche. Rien de plus gracieux que les mouvements lents et cadencés de ces jolies enfants guidées par un chant doux et mono-