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quêtes et leur importance. Ghézo, qui s’étendait sur ce sujet avec une complaisance visible, nous raconta que, récemment encore, la puissante tribu des Nagos, dont le territoire borne le sien au levant, lui avait fait sa soumission. Le surlendemain, en effet, nous devions voir les ambassadeurs de cette peuplade solliciter la paix en s’avouant vaincus.

Vue des portes d’Abomey.

Ghézo attribuait une partie de ses succès militaires à ses amazones, dont il vantait à bon droit le courage et la persévérance. Dans cette dernière guerre contre les Nagos, l’armée dahomyenne, commandée pourtant par un des meilleurs chefs, avait tenté sans succès l’assaut d’un des principaux villages de l’ennemi. Repoussée avec des pertes sérieuses, elle demandait à grands cris la retraite, et le général ébranlé allait la ramener en arrière, lorsque les amazones déclarèrent que, dussent-elles rester seules, elles ne lèveraient pas le siége. Cette résolution hardie des femmes fit honte aux hommes, et une nouvelle attaque, conduite avec plus de vigueur, les rendit maîtres du village, dont la prise décida du succès de la guerre. Mais le général dahomyen fut tué dans l’action. « Vous avez dû regretter que cette victoire coûtât la vie d’un de vos meilleurs chefs, dit-on à Ghézo. — Je le regrette, en effet, répondit-il, car cela m’a privé de la satisfaction de lui faire couper la tête, pour prix de sa lâche conduite. »

Dans une autre circonstance, l’armée dahomyenne, commandée par Ghézo lui-même, guerroyait contre les montagnards de Kong. Mis en déroute par ses belliqueux adversaires, le roi ne dut le salut de son armée et le sien qu’à l’héroïsme de ses amazones, qui couvrirent la retraite en perdant la moitié de leur troupe. Malheureusement leur férocité égale leur courage : indomptables pendant le combat, elles sont sans pitié après la victoire. Il semble qu’en se dépouillant des douces qualités qui font l’ornement de leur sexe, les femmes, extrêmes en tout, ne conservent plus rien d’humain. L’histoire des anciennes amazones, comme les plus funèbres pages de nos révolutions modernes, n’offre que trop de preuves de cette vérité.

Au reste, ce n’est pas seulement sur le champ de bataille que les guerrières dahomyennes trouvent l’occasion de faire éclater leur intrépidité. Quelque temps avant notre arrivée, un certain nombre d’entre elles étaient parties pour aller chasser un troupeau d’éléphants dont on avait signalé la présence à trois ou quatre journées de marche au nord d’Abomey. Durant cette audience même, un messager apporta au roi, en notre présence, trois queues d’éléphant fraîchement coupées, témoignage irréfutable du succès de la chasse. Le messager ajoutait que le troupeau d’éléphants comptait trente têtes environ et que les chasseresses continuaient de les poursuivre, comptant faire d’autres victimes avant de revenir.

La manière qu’elles emploient pour chasser l’éléphant