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me fut impossible non-seulement d’en rien obtenir, mais encore de leur parler.

Je dois, pour ne rien omettre de ce qui peut intéresser le lecteur, dire un mot du marché public qui se tient à Wydah dans la partie est de la ville. Il rappelle un peu, pour l’aspect général, les bazars orientaux des petites villes turques. C’est un double rang de chétives boutiques de bambous dans lesquelles le marchand, ou plutôt la marchande, car ce sont surtout des femmes, se tient assise au milieu des calebasses pleines de ses marchandises. On y vend à peu près tout ce qui est nécessaire à la vie chez ces peuples : du riz, de l’huile de palme, du sel, des étoffes de coton, des verroteries, etc. Il y a aussi des restaurants en plein vent, où l’on débite au chaland, qui les consomme debout, certaines préparations culinaires parmi lesquelles la viande de chien, accommodée de diverses façons, tient le premier rang. Ce goût, qui nous paraît singulier, est partagé du reste par nombre de peuplades africaines, notamment par celles qui habitent les rives du Congo. La farine de manioc humectée d’eau, roulée en boules de la grosseur du poing et renfermée dans un fragment de feuilles de bananier, y joue le rôle du pain chez nous. Il s’y fait encore une grande consommation de viande de bœuf découpée en lanières étroites, et séchée au soleil, qu’on mange ainsi sans autre apprêt ; mais il faut être pourvu de véritables mâchoires de cannibale. Je n’y ai vu vendre aucune boisson spiritueuse, ni tafia ni vin de palme ; les nègres du reste ne boivent pas en mangeant ; ce n’est qu’à la fin du repas qu’ils se désaltèrent et toujours avec de l’eau pure, ce qui ne les empêche pas d’aimer avec passion les liqueurs fortes et de s’enivrer toutes les fois qu’ils en trouvent l’occasion.

Comment on voyage dans le Dahomey (p. 74). — Dessin de Foulquier d’après M. Répin.

La monnaie usitée sur ce marché est le cauris, dont j’ai déjà parlé plus haut. On donne ce nom a un petit coquillage univalve du genre des porcelaines (cyprea moneta, Linné), d’un blanc jaunâtre uniforme et de la dimension d’une noisette. On le trouve abondamment répandu sur les rivages de l’océan Indien, d’où nos traitants le font venir. Sa valeur n’est pas bien considérable. Il en faut vingt à peu près pour équivaloir à un sou de notre monnaie. Aussi en voit-on des tas énormes chez les commerçants dont les transactions sont un peu étendues, et la factorerie française occupe je ne sais combien d’individus employés uniquement à compter les cauris. Dans l’intérieur on s’en sert moins comme monnaie que comme ornements, soit en colliers, soit en bracelets, ou encore en broderies grossières sur les cartouchières, les baudriers et les diverses pièces de l’équipement des guerriers.

Le second jour après notre débarquement nous allâmes rendre visite au gouverneur de Wydah, nègre de