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d’hui, ce sont les naïves chansons et les joyeux éclats de la gaieté nègre qui en font retentir les voûtes. Il y régnait, au moment de notre arrivée, une singulière activité À chaque instant entraient des habitants de l’intérieur, apportant de l’huile de palme dans de grandes jarres de terre rouge, ou des dents d’éléphant, ou de la poudre d’or dans de petits sacs de cuir suspendus à leur cou.

Qui n’a pas vu de marché nègre ne peut se faire une idée des ruses employées par ces négociants primitifs, pour retirer de leurs produits le plus grand bénéfice possible. Vingt fois ils s’en vont indignés du peu qu’on leur offre, et vingt fois reviennent à la charge sans se rebuter du flegme avec lequel les employés de la factorerie, habitués à leurs façons, accueillent leurs récriminations. Habiles à frauder leurs marchandises, mélangeant sans vergogne la limaille de cuivre à la poudre d’or, ils nient effrontément les falsifications les plus évidentes.

Naturellement portés au vol, et, à l’instar des anciens Spartiates, ne le regardant comme un crime que lorsqu’il est commis avec maladresse, ils sont constamment à l’affût d’une occasion de larcin. Quand un voleur malhabile est surpris par les traitants, c’est au milieu des huées et des moqueries de ses camarades qu’il est corrigé d’importance et chassé de la factorerie, mais ils n’attachent aucune idée de déshonneur à sa mésaventure. À cinq heures du soir le marché cesse, et on ferme les portes du fort, qui se rouvrent le lendemain, à sept heures, pour voir se renouveler les mêmes scènes.

Vue du fort Français de Wydah. — Dessin de Foulquier d’après M. Répin.

La première nuit de notre séjour dans le fort, où nous reçûmes du directeur une hospitalité aussi gracieuse que confortable, fut signalée par un événement qui aurait pu avoir des suites fâcheuses. Un cigare mal éteint, jeté dans un crachoir plein de sciure de bois, détermina un commencement d’incendie dans le corps de logis que nous occupions. Heureusement le capitaine Vallon, réveillé par la fumée qui pénétrait dans sa chambre contiguë à la salle à manger, donna l’alarme, et de prompts secours arrêtèrent les progrès du feu. Une partie du plancher de la salle à manger fut brûlée, mais les magasins situés au-dessous et qui contenaient, nous dit-on, d’assez grandes quantités de poudre de traite, furent heureusement préservés.

Quand tout fut rentré dans l’ordre, il était jour ; on ouvrait les portes du fort. Je sortis pour courir la ville, et ma première visite fut pour le temple des serpents fétiches, situé non loin du fort, dans un lieu un peu isolé, sous un groupe d’arbres magnifiques.

Ce curieux édifice consiste simplement en une sorte de rotonde de dix à douze mètres de diamètre et de sept à huit de hauteur. Ses murs en terre sèche, comme ceux