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une mystification. À peine en compte-t-on dix ou douze vraiment beaux et qu’on puisse admirer. Perdus dans ce paysage gigantesque, ils n’y semblent qu’un petit point noir. Au milieu d’eux, les Maronites ont bâti une église. En France, on y aurait mis un café.

Le surlendemain, nous avions repassé le Liban et nous arrivions à Baalbeck. Que dire de ces ruines colossales, tant de fois vues, tant de fois décrites ? L’architecture n’en est pas irréprochable : bien des signes de décadence, bien des détails de mauvais goût gâtent leur magnifique ensemble. Cependant on est effrayé à la vue de ces masses de pierres, de ces assises colossales qui ne mesurent pas moins de vingt-deux mètres de long, et dans plusieurs de ces débris on retrouve la belle antiquité. Un temple presque entier est resté debout ; d’un autre, une colonnade seule subsiste. À quelque distance, on voit encore un temple : tout autour de l’Acropole, dans la plaine, des débris.


VIII

Voyage dans le Djebel-Akkar. — La plaine d’Homs. — La source de l’Oronte. — La montagne chrétienne. — Voyage à Damas.

Deux jours après mon départ de Lattaquié, je partais de Tripoli pour Hosn-el-Zephiri, le Djebel-Akkar, et les sources de l’Oronte. Hosn-el-Zephiri, situé dans la haute montagne, au nord-est de Tripoli, est un temple grec placé dans un lieu aujourd’hui désert, sur un piton élevé. Toute cette partie du Liban qui s’étend depuis Edhen et les cèdres jusqu’au Kalat-el-Hosn, la plus curieuse et la plus inconnue, renferme une foule de débris anciens ; aucun sentier ne guide ceux qui la parcourent ; il faut y marcher dans le lit des rivières, à travers bois, au milieu des roches. Le temple d’Hosnel-Zephiri existe encore presque entier. Il devait être petit et très-simple : quelques pilastres suffisaient à son ornementation extérieure.

Pont sur l’Oronte. — Dessin de A. de Bar d’après une photographie de M. G. Hachette.

La montagne d’Akkar, dans laquelle j’entrai le lendemain, couverte de forêts immenses, coupée de ravines étroites, traversée par des torrents et des rivières, presque déserte, complétement sauvage, n’est jamais visitée par les voyageurs. À peine deux ou trois Européens y ont-ils pénétré. Les montagnes descendent dans les vallées, droites comme des murailles ; la neige couvre les sommets d’où descendent des cascades qui disparaissent en tombant dans les feuilles. Nulle part la Syrie n’offre un tel aspect : là, plus de ces pentes arides, dénudées, semées de pierres ; des bois au contraire, des arbres gigantesques, des grenadiers, des citronniers, des caroubiers, des sycomores ; la vigne vierge s’enlace aux branches, recouvrant les chênes d’un dôme de verdure, les privant d’air et les étouffant quelquefois ; la clématite cache les buissons sous un