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ramide de pierres, un gros château turc élève ses tours massives, où des canons vieux comme l’invention de la poudre se rouillent sur des affûts boiteux. C’est pitié de les voir mélancoliquement appuyés sur les créneaux, armes devenues inutiles, enclouées par les enfants, et se penchant, comme des soldats invalides, sur la ville qu’ils dominent encore, mais qu’ils ne peuvent plus défendre. Le château fut élevé à l’époque de la guerre de Grèce : Canaris venait alors jusque-là incendier les navires ennemis. La population de Rouad, toute composée de marins, comme au beau temps de la Phénicie, est riche, ardente, énergique. Si l’on pouvait comparer la Syrie à une vaste maison d’aliénés, et certes la comparaison serait moins étrange qu’elle ne le paraît, Rouad pourrait passer pour la loge des fous furieux. Le fanatisme musulman n’y connaît point de bornes. Il faut cependant rendre cette justice à Rouad : ses rues sont propres, son bazar est animé et plein d’un mouvement qu’on chercherait en vain dans les villes du littoral. Des restes de murailles phéniciennes font le tour de la ville et de l’île ; l’ancien port, divisé en deux parties par une jetée antique, abrite des barques de pêche peintes en couleurs éclatantes, des bricks, quelques trois-mâts et une petite flottille de felouques. Les caboteurs de la côte y viennent passer l’hiver, ne trouvant d’abri contre les vents d’ouest ni à Saïda, ni à Sour, ni à Beyrouth.

Porte de Kalat-el-Hosn (p. 57). — Dessin de A. de Bar d’après une photographie de M. G. Hachette.

Sur la foi d’un certain nombre d’auteurs, je m’étais attendu naïvement à trouver Rouad complétement déserte : je fus tout surpris en la voyant couverte d’habitations et fort peuplée. Sterne (c’est ce qui sans doute fut