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mille habitants. La population totale de la presqu’île ne s’élève pas à plus de vingt mille âmes. Vers le milieu du dix-huitième siècle, on l’évaluait près de cent mille. Ce sont les Cosaques qui firent la conquête du pays et le rendirent ensuite tributaire de la Russie, ce qui amena de sanglantes luttes entre les conquérants et les indigènes, fort attachés à leur indépendance. Ce sont de ces races dont on peut dire qu’on les soumet par le sabre, qu’on les baptise dans le sang, et qui n’ont gagné, a changer de maître, que des maladies et des vices qui leur étaient complétement inconnus. Quoique soumis en apparence à la nouvelle religion qu’on leur a imposée, la plupart des Kamtschadales penchent pour le vieux chamanisme primordial de l’Asie centrale. La chasse et la pêche constituent leurs principales occupations. En hiver, ils se renferment dans des espèces de huttes souterraines de forme conique, ouvertes par le haut, où habitent d’ordinaire cinq ou six familles. Ils se vêtent de peaux de renne, se nourrissent de gibier salé, de graisse de chien marin, de pain d’écorce d’arbre, entretenant constamment de grands feux, s’égayant par des danses, et ne se souciant guère de la neige, qui couvre souvent la hutte jusqu’au tuyau de la cheminée. Leurs habitations d’été sont soutenues en l’air par des perches, et l’on n’y parvient qu’en grimpant. Les femmes seules s’occupent des soins du ménage et des travaux de culture, qui ont pour objets la pomme de terre, les choux et les raves. Leur été, très-court mais brûlant, permet à l’orge et même aux concombres de mûrir. Ils n’ont point d’animaux domestiques, sinon quelques porcs et quelques poules qu’on a cherché à introduire chez eux depuis 1820 ; mais le chien qu’ils attellent en hiver à leurs traîneaux est toujours à leurs yeux l’animal par excellence.

Entrée du port de Pétropaulowski. — Dessin de E. de Bérard d’après l’amiral de Krusenstern.

Le port de Pétropaulowski, œuvre de la nature, est une chose vraiment belle et magnifique à voir ; il n’a peut-être pas son pareil dans l’univers entier. On y pourrait abriter, dit-on, toutes les flottes réunies des puissances du monde. Quoiqu’il ne compte guère que trois ou quatre mille habitants, on y trouve d’infinies ressources pour le confort de la vie. Des vins exquis, des conserves de toutes espèces, des poissons à faire damner nos gourmets, des étoffes de tous genres, des toiles faites avec les filaments d’une certaine espèce particulière d’ortie, des bœufs comme on n’en voit peut-être qu’en Angleterre, des poulets comme on n’en mange nulle part ; une superbe végétation, un hiver peut-être un peu long, mais pendant lequel le thermomètre ne descend jamais plus bas que quinze degrés ; toutes les productions de Chine, d’Amérique, d’Angleterre, de France se trouvent à Pétropaulowski dans les deux immenses magasins que le gouvernement y entretient et qui forment une des principales décorations du port et