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qu’il n’en fallait pour les enflammer. Ils poursuivirent donc le maral de vallée en vallée ; puis ils arrivèrent avec lui dans une haute région rocheuse. Ces deux Cosaques n’étaient pas hommes à reculer ; ils gravirent les hauteurs abruptes, sans perdre la trace de la bête ; en vain le maral multipliait-il ses détours, il se trouvait toujours quelque léger indice pour signaler à ses ennemis sa nouvelle direction. Dans l’après-midi ils aperçurent le bois branchu du cerf dans une espèce de déchirure de la montagne, bordée d’un côté de hauteurs à pic, de l’autre par un précipice ; impossible à la bête de s’échapper. À la vue des deux chasseurs, la bête se mit à bondir au milieu de rochers éboulés ; son avance était d’environ trois cents mètres. Les Cosaques la poursuivirent avec rapidité, gagnant du terrain sur elle ; tout à coup le maral s’arrêta hésitant, et regarda en arrière dans l’intention apparente de revenir sur ses pas. Comprenant alors que quelque autre bête barrait la route au cerf, un tigre peut-être, animal fort commun dans cette région, les chasseurs ne firent pas feu et continuèrent à marcher en avant. Le cerf, en proie à une terreur évidente, s’avançait avec lenteur, lorsque deux ours énormes se précipitèrent sur lui.

Caverne de Satan (voy. p. 376). — D’après Atkinson.

Le maral alors, d’un bond prodigieux, s’élança par-dessus un précipice de trente-trois pieds de large, sur le sommet d’un rocher détaché de la masse principale. L’un des ours, sautant après lui, tomba dans le gouffre d’une hauteur de plus de quatre cents pieds ; l’autre, resté sur le bord de l’abîme, grondait de rage. Les chasseurs avancèrent ; lorsqu’ils ne furent plus qu’à une trentaine de pas, la bête se leva en grognant, mais une balle l’envoya rejoindre son compagnon. Le maral, debout sur son rocher, regardait, sans le moindre signe de crainte, les chasseurs qui, de leur côté, ne se lassaient pas d’admirer la beauté de ses formes et la grandeur de ses cornes. Disons-le à l’honneur de ces bons et braves gens, ils laissèrent le pauvre cerf en paix, et pourtant sa ramure valait, à elle seule, la paye annuelle de cinq Cosaques ! Après avoir fait quelque marque dans le rocher pour retrouver l’ours plus tard, les chasseurs songèrent au retour, qui n’était certes pas chose facile, tant ils s’étaient laissés emporter par l’ardeur de la chasse. Le jour suivant, ils vinrent chercher leur ours au fond du précipice, et s’aperçurent avec joie que le avait franchi de nouveau le gouffre et s’était échappé. Quand ils eurent rejoint leurs compagnons, les Cosaques racontèrent leur histoire en détail et firent une longue description de eur cerf, à qui l’on donna désormais le nom de roi des marais.

Comme pendant à cette anecdote, on ne lira pas peut-être sans intérêt la suivante, détachée du journal de Mme Atkinson. « Dans la vallée du Bascan, nous fûmes surpris par un orage, notre compagnon de route habituel, et celui-ci était terrible. Un jeune maral en fut sans doute effrayé, car il descendit la montagne, et vint s’abriter dans une yourte. Les Kirghis lui donnèrent la chasse en poussant de grands cris ; les Cosaques le poursuivirent jusque dans une gorge, en galopant comme des furieux. Ils revinrent bientôt rapportant leur capture, mais sans qu’elle fût endommagée : on me présenta cette belle bête. Dès qu’Alatau fut couché, je me dirigeai vers les tentes des Cosaques pour la voir ; ils essayaient de lui faire prendre du lait, mais elle n’en voulait pas. Je m’approchai de l’innocente créature, qui