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« Au bout de deux heures, il vint lui-même pour nous annoncer l’arrivée de trois officiers qui, disait-il, seraient fort heureux de nous voir. Je mis mon chapeau et confiai mon enfant aux soins de Columbus jusqu’à mon retour. Le bonhomme effrayé de penser que nous allions sortir à pied, ne voulait pas entendre parler d’une manière aussi humble de se promener, et se préparait à faire seller des chevaux. Lorsqu’il vit que nous allions laisser Alatau derrière nous, autre chagrin de sa part ; je coiffai donc l’enfant et chargeai Columbus de le porter. En arrivant au piquet, nous trouvâmes une compagnie de soldats qui se rangèrent pour nous laisser arriver jusqu’aux officiers. Je pris le bras de mon mari, suivie de Columbus qui portait l’enfant, et précédée de notre interprète George. Nous trouvâmes les Chinois, les jambes croisées, sur un tapis étendu à l’ombre d’un groupe d’arbres. Cet endroit était d’une fraîcheur délicieuse : à droite, au loin, on apercevait un tombeau, et à gauche coulait un cours d’eau. Les officiers se levèrent et nous offrirent la main de la façon la plus cordiale ; puis, après nous être assis, nous fûmes régalés de thé et de sucreries. Un kaldi ou officier supérieur s’empara d’Alatau et le couvrit de baisers ; et, après avoir passé par les mains des deux autres, l’enfant revint au kaldi du milieu, qui l’installa devant une petite table.

Gorge de la rivière Kopal. — Dessin de Sabatier d’après Atkinson.

« La conversation, en commençant, tomba sur notre visite, et M. Atkinson répéta sa demande. Ils nous firent bon nombre de questions, pensant que notre voyage avait quelque but secret. Ils ajoutèrent que nous étions les premiers Anglais qui se fussent présentés dans cette partie de la Chine, et que le gouverneur ne pourrait nous permettre d’entrer dans la ville qu’après en avoir référé à l’empereur ; mais que si nous consentions à rester, ils enverraient un courrier pour savoir si nous pouvions être admis, et qu’alors ils feraient tout leur possible pour nous rendre notre séjour agréable. Mon mari ne consentit pas à cette proposition.

« Après un bon moment de conservation, je demandai si je ne pourrais pas entrer toute seule dans la ville. Il n’y avait certainement pas d’inconvénient à agir ainsi, et, s’ils l’avaient permis, je serais partie sans réplique. Le kaldi sourit et me demanda ce que j’espérais trouver. Je répondis :

— Simplement voir la ville et ses habitants ; n’ayant jamais été en Chine, chaque chose sera pour moi pleine d’intérêt. »

Il reprit :

— Il y a seulement nos femmes et nos filles, et la ville par elle-même est misérable ; mais, si j’osais, je vous emmènerais avec un grand plaisir, car vous seriez la plus grande curiosité que l’on ait jamais vue en cet endroit. Si nos lois ne le défendaient pas, je vous emmènerais sur-le-champ, de manière à ce que ma femme pût vous voir ; mais je payerais de ma tête une semblable témérité. »

Et ce disant, il passa la main sur son cou. Il dit à M. Atkinson que s’il s’habillait en Tatar et se