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suis le neuvième. Depuis très-longtemps nous sommes rois. »

Tel est le style lapidaire de ces vieilles dynasties asiatiques. Hérodote, dont les renseignements sur les points importants de l’histoire des Akhéménides sont confirmés d’une manière si remarquable par les inscriptions, a connu cette généalogie, dont les noms, adoucis par l’euphonisme grec, prennent chez lui les formes d’Hystaspès, Arsamès, Ariasamnès et Téispès.

La grande inscription trilingue est disposée en colonnes verticales au-dessous et sur les côtés des figures sculptées et de leurs légendes. Le texte perse, qui se compose de plus de quatre cents lignes, est au centre sur cinq colonnes ; la transcription médique est à gauche, sur trois colonnes, et la transcription babylonienne au-dessus.

Le monument de Bisoutoun, auquel les gens du pays rattachent des légendes fabuleuses, était connu depuis longtemps ; mais la difficulté d’approcher des sculptures et des inscriptions, à cause de la hauteur considérable ou elles sont placées, n’avait permis d’en prendre qu’une idée très-générale. Le colonel Rawlinson est le premier qui ait réussi, au moyen d’échafaudages dressés à grand’peine et à grands frais, à en relever une copie complète. C’est un service immense que lui doit la science. Le colonel a publié successivement les trois textes de l’inscription dans le Recueil de la Société asiatique de Londres, de 1846 à 1855. Le texte mède (ou regardé comme tel) de l’inscription permit d’aborder plus à fond qu’on n’avait pu le faire encore l’étude de l’écriture de la seconde espèce. Un archéologue anglais, M. Norris, qui commenta le texte donné par le colonel Rawlinson, fut conduit à une conclusion qui étonna les savants et souleva leur incrédulité, quoiqu’un orientaliste danois, le docteur Westergard, et, après lui, M. de Saulcy, l’eussent déjà entrevue et annoncée : c’est que la langue dans laquelle sont conçus les textes de la seconde espèce appartient non pas à la famille arienne ou indo-européenne (c’est tout un), comme le perse, mais aux langues du centre et du nord de l’Asie, que l’on qualifie tantôt de langues touraniennes, tantôt de langues altaïques, et dont le turkoman ou turc primitif est une des branches principales. Ce résultat, toutefois, très-singulier au premier abord, le devient beaucoup moins à la réflexion et quand on se rend compte des faits connus de l’ethnologie asiatique ; car on sait parfaitement qu’à toutes les époques de l’histoire les populations nomades de l’Asie centrale — les Scythes, comme disaient les anciens — ont jeté leurs tribus sur les contrées de l’Asie méridionale, tantôt par des courses passagères, d’autres fois pour y chercher des établissements fixes. Aujourd’hui encore, toute la population pastorale de la Perse (et le chiffre en est considérable) est turque, et très-probablement il en a été de même dans tous les temps. Il est donc tout simple que les rois akhéménides, voulant rendre leurs monuments intelligibles à toutes les populations de l’empire, aient fait graver une des colonnes de leurs inscriptions trilingues dans la langue des tribus qui occupaient une grande partie de la Médie et même de la Perse.

Au reste, si la langue cachée sous l’écriture médique, ou de la seconde espèce, diffère absolument du persépolitain, l’écriture également repose sur un tout autre système. Elle n’est pas alphabétique, comme l’écriture persépolitaine ou de la première espèce, mais chaque signe exprime un son vocal (une voyelle) attaché à une articulation, — ba, ab, ma, am, tar, tra, etc., etc. ; — en d’autres termes, c’est une écriture syllabique. Aussi les signes y sont-ils très-nombreux, ce qui la rend infiniment plus compliquée et plus difficile que l’écriture persépolitaine.

Mais cette complication et ces difficultés ne sont rien encore auprès de celles que l’on allait rencontrer en s’attaquant à l’écriture de la troisième espèce, l’écriture assyro-babylonienne.

Pour cette nouvelle branche des études cunéiformes, devenue de beaucoup la plus importante par la richesse de ses résultats historiques, la découverte des restes de Ninive va livrer aux philologues une masse inattendue de nouveaux matériaux.


Premiers indices du site de Ninive. — Premières fouilles. M. Botta.

Une vague tradition, perpétuée depuis l’antiquité, avait toujours, nous l’avons dit, rappelé l’existence de l’antique cité de Ninus sur la rive orientale du Tigre, vis-à-vis de la ville de Mossoul. Le tombeau de Jonas, édifice musulman qui se dresse sur une hauteur et qui se rattache à la mention biblique de la visite du prophète, est encore une forme de la même tradition. Rien cependant ne rappelle, dans l’aspect de ces lieux, la présence d’une grande capitale : pas de ruines, aucun vestige, rien qu’une plaine nue, ondulée de monticules arides. Telle est l’impression que tous les voyageurs en avaient rapportée.

Nul d’entre eux n’avait été en position de fouiller ces monticules et d’interroger le sol. M. James Rich, qui occupait, il y a cinquante ans, le poste de résident britannique à Bagdad, était, jusqu’à ces derniers temps, le seul qui y eût fait quelques recherches. Il en rapporta, en 1820, quelques pierres achetées aux Arabes, ainsi que des briques portant des inscriptions cunéiformes. Ces objets, envoyés à Londres, y furent le premier noyau de la collection assyrienne du Musée britannique, à laquelle les fouilles de M. Layard ont donné, trente ans plus tard, de si riches proportions.

Ces premières découvertes avaient, comme on peut le croire, vivement intéressé les savants ; des membres de notre académie des inscriptions les signalèrent à l’attention de M. Émile Botta, le fils de l’historien, que le gouvernement français, en 1842, venait de nommer au consulat de Mossoul. M. Botta, à peine installé dans ses nouvelles fonctions, s’occupa des recherches qui lui étaient recommandées. Il s’agissait d’ouvrir quelques-uns des monticules épars dans la plaine. Une de ces éminences artificielles s’élève vis-à-vis même de la ville, à