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Pizarre le conquérant, qui, pour économiser le temps et la main-d’œuvre, se contenta de découronner les anciens édifices et d’y ajuster des étages nouveaux. Grâce à cette circonstance vraiment heureuse pour les archéologues, la ville n’est transformée que jusqu’à mi-corps ; catholique et moderne par son sommet, elle reste antique et païenne par sa base.

Le style de ces logis est, à quelques variantes près, celui de toutes les maisons bâties en Amérique par des constructeurs espagnols et des maçons de leur école : il est monotone, glacial et lourd. L’édifice, masse énorme et carrée, est percé d’une porte monumentale et constellée de clous. Cette porte ouvre dans une cour d’honneur pavée comme une rue. Un vaste escalier, pratiqué dans une de ses parois, conduit au premier étage, intérieurement pourvu d’une galerie en bois ou en pierre. Sur cette galerie donnent les pièces de réception et les chambres à coucher, dont les portes à deux vantaux n’ont pour tout vitrage qu’un judas grillé ou une chatière. À l’extérieur, un balcon, lourde caisse en bois, portée par des poutres en saillie, souvent fermée de toutes parts, mais guillochée de cœurs, de carrés, de lozanges qui permettent de voir les passants sans en être vu, complète la physionomie de ces logis couverts d’un toit de tuiles.

Dame de Cuzco allant à l’église.

Quelques-uns décorent les côtés de leur cour d’entrée de vases en granit, dits mazettes, dans lesquels végètent et fleurissent languissamment un tlaspi vivace, de la rue ou de la yerba buena (mentha viridis) ; d’autres ont un jardin peuplé de myrtes verts comme ceux de l’antique Italie, mentionnés par Voltaire dans sa Henriade. Ces malheureux arbustes, que le sécateur des jardiniers locaux tond et torture sans relâche pour leur donner des tournures grotesques, reproduisent des profils