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pendant la durée des fêtes d’équinoxe Raymi et Cittua. À l’arrivée des Espagnols, les Indiens jetèrent, dit-on, ce colossal bijou dans la Mohina, afin de le soustraire à la cupidité des conquérants. Ceux-ci eurent vent de la chose. Une chaîne d’or du poids de quelques milliers de kilos leur parut valoir la peine d’être repêchée, et ils envoyèrent un détachement de pionniers chargés de dessécher le lac d’Urcos. Des canaux d’écoulement furent pratiqués au-dessus du niveau de son lit. Quarante Espagnols et deux cents Indiens travaillèrent à cette œuvre pendant trois mois. Mais, soit que la Mohina fût intarissable ou que l’histoire du bijou ne fût qu’un conte, les conquérants en furent pour leurs frais de déplacement et leurs travaux d’excavation. Les canaux qu’ils ouvrirent pour dessécher le lac, et dont il reste encore des traces, ont fait dire à quelques savants du pays, jaloux de prouver leur sagacité, que la Mohina était une lagune artificielle creusée par les Incas et que ses eaux avaient été amenées de fort loin[1].

La vallée d’Urcos ou ce qu’ainsi l’on nomme, est un espace de sept à huit kilomètres carrés, entouré de montagnes et auquel la bénignité de la température et le voisinage de la rivière donnent une fertilité relative. On y récolte du maïs, du blé et des légumes. La pomme, la poire, la fraise y mûrissent, mais n’ont ni douceur, ni saveur, ni parfum. Les gens du pays, carpophages et peu difficiles, s’en accommodent volontiers, mais les Européens, et les Méridionaux surtout, ne peuvent s’empêcher en mordant à ces fruits de faire une laide grimace.

Quiquijana, la cité très-fidèle.

Au naturaliste empailleur, lisez tachydermiste, le val d’Urcos n’a à offrir en fait d’oiseaux que le sarcoramphe urubu, sujet peu curieux et d’une puanteur extrême ; un petit sylvain conirostre au plumage mi-parti noir et blanc, que les Indiens appellent Choclopococho[2], lequel n’apparaît qu’à l’époque où le maïs est mûr et disparaît quand la récolte est achevée ; une espèce de tarin (fringilla), un friquet huppé, trois variétés de tourterelles, le merle à pattes orange (chihuanco), et l’hirondelle à croupion blanc que nous avons vue voltiger aux alentours d’Arequipa.

À l’entomologiste assez robuste pour soulever ou déplacer les grosses pierres qui jonchent la campagne, les environs d’Urcos offriront des mille-pieds, des cloportes,

  1. Pareille hypothèse pourrait être admise dans un endroit du Pérou où l’eau eût manqué pour arroser les terres. Mais le Huilcamayo passait au bas du village d’Urcos du temps des Incas, comme il y passe de nos jours, et le voisinage immédiat de cette rivière rendait tout à fait inutile la création d’une lagune artificielle.
  2. Littéralement : précurseur du maïs ou qui annonce la maturité du maïs, de sara-choclo (épi de mais) et pocochanqui (qui annonce).