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pylée rappelle l’époque romaine et n’en est pas moins beau ; partout la tête d’Auguste, le profil sceptique de Tibère ou la face bestiale de Claude surmontent de grands corps maigres uniformément taillés sur le modèle sacré dont l’art égyptien ne s’écarta jamais.

Dans le même axe, légèrement dévié selon la forme de la côte, et derrière des monceaux de débris où l’on distingue encore deux lions mutilés, se dressent deux premiers pylônes, encastrant dans leurs massifs un petit propylône élégamment sculpté, seul reste d’un temple d’Isis construit sous un Nectanèbe. Sur leur façade, leur fondateur Ptolémée Philométor, sous la figure d’un géant, offre à Isis et Horus des prisonniers dont il tient d’une seule main les chevelures ; une inscription française, datée du 13 ventôse an vii, se lit sur la paroi intérieure du pylône oriental. On monte sur les pylônes par un escalier encore praticable qui s’ouvre dans la cour située derrière eux. Les côtés de cette cour sont formés par deux édifices que les Ptolémées ont consacrés à Hator et Isis mères : l’un, à l’occident, était perhypætre (sans murailles et sans plafond) ; l’autre, à l’orient, composé de plusieurs pièces, a conservé une colonnade qui forme galerie sur la cour ; les sculptures en sont curieuses.

Deux seconds pylônes ferment cette première cour ; ils ont une hauteur de 14 mètres 50 centimètres et sont élevés sur un rocher. Dans le granit de leur base naturelle une inscription rappelle leur construction par Évergète II, qu’on voit aussi, sur de vastes bas-reliefs, en offrir la dédicace à Isis et Horus. Derrière eux, dans une seconde cour qui communique au Nil par un couloir, nous trouvâmes l’escalier du pylône occidental ; il devint le nôtre : car la vue admirable qu’on découvre du sommet et quelques huttes abandonnées par les Fellahs nous donnèrent l’envie bientôt réalisée d’établir notre tente sur ce massif indestructible ; les pièces nombreuses situées dans l’intérieur du pylône devaient nous servir de laboratoire ; mais une odeur de natron et bitume en avait si bien imprégné les murs et vicié l’air que nous les abandonnâmes bientôt : c’était là sans doute que les embaumeurs avaient leurs officines.

Mosquée en face de Philæ.

Dans la seconde cour, qui est la nôtre, l’institut d’Égypte a inscrit la position de Philæ à 24° 11′ 34″ de latitude nord et à 30° 34′ 16″ de longitude orientale de Paris. Auprès de l’inscription, à l’ombre d’une colonne, nous suspendîmes notre thermomètre, qui dans le courant de janvier, à midi, marqua presque constamment 33 degrés centigrades. À peu de distance, sur une grande paroi intacte se dessine un beau bas-relief, aussi familier pour nous qu’une gravure dans notre cabinet. C’est un Ptolémée, tourné en vrai pharaon, long, mince, fort d’épaules, manœuvrant les deux bras en même