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uns ; ils sentent l’homme de loin et se réfugient dans les roches. Les gens du pays en font, vers le printemps, de grandes destructions ; c’est dans le courant de février, quand des pastèques sans nombre, tombées des barques trop pleines, s’en vont à la dérive, becquetées des oiseaux sur la route. Chacun se coiffe alors d’une citrouille creusée, percée de trous pour la bouche et les yeux, puis, nageant sans bruit au milieu des canards sans défiance, en saisit deux à la fois, un de chaque main ; et ce jeu, cette chasse ingénieuse, recommence tous les jours à toute heure, tant que dure le mois des melons. Les canards ne sont pas seuls habitants des lagunes ; des centaines de serpents s’y chauffent au soleil ; de temps en temps une cigogne passe, pique un reptile ou deux et les met en réserve dans sa large poche.

Comme nous perdions de vue Farchout, le drogman nous fit remarquer sur un tertre, tout près du rivage, un groupe dont nous ne comprîmes pas bien d’abord les gestes et les postures. Il y avait des hommes, des femmes portant des ballots et de menus objets ; tous s’inclinaient chacun à son tour devant un vieillard parfaitement nu, assisté d’un compagnon richement vêtu.

Karnak. — Propylône nord.

« C’est, nous dit le drogman, cheik Sélim et son domestique ; oui, ce vieillard que vous voyez est un saint renommé qui passe pour se faire écouter des crocodiles. Il jette des sorts aux gens qui passent sans lui rendre hommage ; voyez ; il donne sa main à baiser.

— Mais que fait-il de ce qu’on lui donne ?

— Il distribue presque tout aux pauvres ; de ce qui reste il habille son domestique. »

Cheik Sélim, grâce à quelques talaris et à une livre de tabac, nous reçut bien et daigna nous promettre un