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origine classique. D’après la tradition, elle doit son nom à la fille d’un roi slave (Dewina, en slawe, signifie jeune fille) qui l’aurait bâtie. Comme une des tours porte aussi le nom de Tour de la Nonne, une autre légende est racontée. Le seigneur du Burg aurait enlevé une noble jeune fille qu’il aimait et que sa famille destinait au cloître. Assiégé par les parents, il fut forcé dans sa forteresse ; plutôt que de se rendre, les deux amants se précipitèrent dans le fleuve du haut de la Tour de la Nonne.

Cette île escarpée qui semble vouloir barrer le fleuve, cette tour dont le pied baigne dans l’eau, ces murailles crénelées qui rampent sur le roc et s’élèvent jusqu’au burg placé au sommet, tout cela devait faire autrefois une forteresse formidable, et fait aujourd’hui une ruine magnifique.

Dès qu’on a franchi la Porte-Hongroise, on aperçoit l’énorme et disgracieuse carcasse du château de Presbourg (en hongrois, Posony), et le pont de bateaux dont une travée s’ouvre pour nous laisser passer. Mais le navire ne s’arrête qu’une demi-heure, comme à Passau ; ce n’est pas assez pour descendre et visiter la ville, qui, d’ailleurs, ne renferme rien de curieux quand la Diète hongroise n’y siége pas. Elle a pourtant quarante-quatre mille cinq cents habitants et c’est, assure-t-on un des points de l’empire ou l’on vit au meilleur compte. Aussi les petits rentiers et les fonctionnaires retraités y accourent. La Hongrie est, par ses blés, son bétail, son vin, le grenier d’abondance de Vienne et de l’archiduché. Une partie de ces produits, pour entrer en Autriche passe à Presbourg, qui en garde le plus qu’il peut, et je vois les collines qui l’entourent couvertes au loin de magnifiques vignobles, dont un, celui de Saint-George, est renommé. On vante la vue magnifique dont on jouit du haut du Schlossberg, et qui s’étend à l’ouest jusqu’au Kahlenberg, par-dessus Vienne, à l’est, sur l’immense plaine où le Danube circule paresseusement entre des îles basses et boisées. Du bateau même on voit la seule curiosité de Presbourg, la Montagne-Royale. Que ce mot ne vous fasse pas rêver d’Alpes ou de Pyrénées, la Montagne-Royale est une simple colline, moins encore, une terrasse entourée d’une balustrade en pierre où, le jour de son couronnement, le roi, à cheval, s’élance au galop ; il y brandit l’épée de Saint-Étienne vers les quatre points de l’horizon : cela veut dire qu’il défendra la Hongrie et le peuple contre quelque ennemi qui se présente.

Presbourg.

Presbourg est la capitale officielle du royaume magyare. Les empereurs ont profité de l’occupation de Bude par les Turcs, de 1530 à 1686, pour transférer la Diète dans une ville qui, se trouvant à l’extrême frontière du royaume et à deux pas de Vienne, semblait plus facile à contenir. Mais, en dépit de ces précautions, c’est à Bude ou pour mieux dire à Pesth que bat le cœur de la Hongrie.

V. Duruy.

(La suite à une autre livraison.)