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n’est aussi représenté que par une ou deux toiles ; le Poussin par trois ou quatre, entre autres un Jésus délivrant un paralytique, qui est, contre l’ordinaire, d’une belle et vive couleur. En somme, ce doit être une des premières collections du monde. Elle est très-supérieure à celle de Munich, et possède bien plus que nous de la magnifique école de Venise. Rien pourtant qui vaille les Noces de Cana, ni la Vierge de Murillo, quoique nous l’ayons surfaite, ni nos trois Raphaël, ni le Diogène du Poussin.

La sculpture est nulle, sauf un Canova, ici, comme toujours, élégant mais fade.

Pour faire comme tout le monde, j’ai visité la collection des armures des princes autrichiens, sans pouvoir prendre le moindre intérêt à toute cette ferraille héroïque.

En y allant, je passai devant la statue de l’archiduc Charles, inaugurée quelques jours après Solferino. Le prince est sur un énorme cheval, si cabré qu’on ne voit que son ventre, ce qui n’est point beau, et que, regardé de face comme on doit regarder toute honnête statue, l’archiduc est complétement caché, de sorte que le monument n’est plus que le portrait d’un cheval emporté. Il y a aussi dans la figure du héros un bien terrible nez. Sous les pieds du cheval sont, il va sans dire, les drapeaux de la France. Il me semblait pourtant que l’Autriche ne les avait jamais mis si bas. Autour du piédestal on a placé vingt-quatre boucliers portant les noms de vingt-quatre victoires, dont plusieurs m’étaient parfaitement inconnues. Je ne savais pas que l’archiduc nous avait si souvent battus. Il est juste de dire que la moitié de ces noms sont écrits de manière à aller de bas en haut et les autres de haut en bas. Ainsi Wurzbourg monte vers la statue de Wagram, descend vers le piédestal. Ces lignes brisées qui alternent harmonieusement font bien à l’œil et peuvent paraître un effet d’art. C’est en outre un moyen ingénieux de contenter à peu près l’histoire, tout en laissant croire au populaire que le héros de l’Autriche avait toujours ramassé de la gloire et jamais de coups.

Vienne, vue du jardin du Belvédère.

Que Napoléon se soit fait représenter par David calme sur un cheval fougueux, je le comprends, c’est dans le caractère du personnage, et un trait de plus de ressemblance ; mais il me semble que des allures emportées ne convenaient guère pour la statue d’un général méthodique et lent qui a fait bien plus de retraites que de marches précipitées en avant.

Dans l’église des Capucins, j’ai visité le Saint-Denis de la maison d’Autriche. Tous les empereurs sont là avec quantité d’archiducs, couchés dans les bières de bronze. Ces caveaux n’ont rien d’auguste. Les morts y sont serrés les uns contre les autres parcimonieusement. J’en demande pardon à leurs mânes impériaux, je vis là beaucoup de chaudronnerie et un seul monument, celui de Marie-Thérèse, que j’appellerais volontiers comme les magnats hongrois, le plus grand roi de la maison d’Autriche. Tous les tombeaux sont en très-minces plaques de bronze qui résonnent sous la main comme des ustensiles de cuivre, et la plupart sans aucune décoration. Sur celui du duc de Reichstadt on a eu soin de mettre une longue inscription pour dire qu’il était mort d’une phthisie. La bonhomie allemande s’est évidemment effarouchée de la calomnie qui courut en 1832 que le