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prit une bibliothèque de vingt-six mille volumes, et pour les joies du corps de ces caves comme on n’en sait faire qu’en Allemagne. « Elles sont immenses, dit un de ceux qui les visitèrent en 1809 : on y circule en voiture. Elles renferment une quantité considérable de foudres remplis d’excellent vin blanc. Pour se faire une idée de l’abondance qui règne dans cette maison du Seigneur, il suffit de savoir que pendant le passage de notre armée, qui a duré quatre jours, on a distribué aux troupes cinquante à soixante mille pintes de vin par jour, et que cela n’a pas diminué de moitié la provision du couvent. »

De Mœlk jusqu’à Vienne, il ne reste à voir que les châteaux d’Aggstein et de Durrenstein : l’un à cause de ses vieilles murailles croulantes, les plus creuses du Danube autrichien, et pour ses légendes, ces fleurs des ruines que le peuple y sème à pleines mains ; l’autre à cause des souvenirs de la campagne de 1805. C’est là que Mortier, enveloppé avec cinq mille hommes par trente mille Austro-Russes, lutta contre eux tout un jour, et fit au travers de leurs masses profondes une trouée sanglante, ce qui n’empêcha pas les écrivains allemands de compter ce combat au nombre de leurs victoires. À partir de Krems, les bancs de sable, les îles à demi noyées se succèdent sans interruption. À gauche s’étend l’immense plaine du Marchfeld, que le fleuve recouvrait quand il ne s’était pas encore ouvert, à Presbourg, la route de la Hongrie. À droite on aperçoit le Wienerwald, dont l’extrémité, le Kahlenberg, vient mourir au fleuve qu’il domine d’une hauteur de mille cinquante-sept pieds. Aussi a-t-on de son sommet une vue immense sur Vienne et le Marchfeld jusqu’aux montagnes de Hongrie et aux Alpes Styriennes. Un couvent des Camaldules y avait été bâti par Ferdinand II en 1628. Il fut supprimé en 1782, et un village prit sa place. C’est dans l’auberge de ce bourg que Mozart composa sa Flûte enchantée.

Maria-Taferl.

Cependant les rives se peuplent de villages, de maisons particulières, et la capitale de l’Autriche s’annonce par les fiacres, qui viennent déposer au pied du Kahlenberg quelque bande joyeuse de Viennois en partie de campagne. Enfin, on débarque à Nussdorf, mais on est encore à près d’une heure de la capitale de l’Autriche, les grands bateaux à vapeur ne pouvant pénétrer dans le bras du fleuve qui vient toucher la ville et qu’on appelle le canal de Vienne. Il n’y a point d’année où l’on ne puisse le passer à gué. On y trouvait plus d’eau autrefois ; mais le Danube se porte au nord. Au-dessous de Vienne, on voit distinctement, à quelque distance dans les terres, la berge élevée qui lui servait de rivage.


XXVI

DE LINTZ À VIENNE PAR LE CHEMIN DE FER.

Le marché de Lintz. — Un enterrement. — Aspect des campagnes de l’archiduché. — Un homme coiffé d’une chouette. — L’architecture polychrome et féodale. — Un Milanais autrichien.

Maintenant, mon cher ami, que vous m’avez suivi en toute confiance de Lintz à Vienne sur le Danube, je dois vous avouer que c’est avec les yeux des autres que j’ai fait ce voyage. Entre la capitale de l’Autriche et sa grande forteresse occidentale, un chemin de fer fait rude concurrence au Danube. Après douze heures passées sur le pont du dampschiff à regarder le fleuve et