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vivait dans l’appartement le plus isolé du quartier des femmes et n’en sortait que pour se rendre chez la valideh, à laquelle elle ne cessait de témoigner le plus humble respect. Une si sage conduite l’avait maintenue dans la confiance et l’amitié de la valideh ; cette vieille princesse oubliait qu’elle aussi avait vécu soumise, les genoux pliés devant la mère du padischa, mais qu’un jour elle s’était relevée et avait envoyé la Baffa au vieux sérail.

Vue des jardins du sérail[1]. — Dessin de Karl Girardet d’après M. Adalbert de Beaumont.

Cependant la tranquillité ne régna pas longtemps dans ce séjour orageux ; le grand vizir Daroud-Pacha était un homme hardi, ambitieux à l’excès et capable de toutes les cruautés. Il considéra que les fils du sultan défunt étaient encore des enfants, que le sultan Mustapha devenait de jour en jour plus incapable, et il conçut la pensée de se mettre à sa place. Son union avec une sultane tant aimée du padischa lui semblait un titre suffisant et le pouvoir souverain qu’il exerçait déjà un moyen infaillible pour amener ce changement de dynastie. Afin de simplifier la situation, il obtint du sultan l’ordre de faire étrangler Mourad, le fils aîné de Kiosem et l’héritier présomptif de l’empire. Ce petit prince n’avait guère que dix ans, mais il était déjà d’un naturel si violent et si intrépide qu’il faisait ombrage au grand vizir. Cette fois les muets ne furent points mandés pour faire la lugubre besogne ; Daroud-pacha en chargea le capi aga (chef des portiers du sérail).

Mme X…

(La fin à la prochaine livraison.)



  1. « Le hasard semble aujourd’hui avoir été le dessinateur de ces jardins. Il n’y a là ni allées, ni plans qui indiquent une autre intention que celle d’avoir de l’ombre. Mais ces arbres sont si beaux dans leurs allures sauvages, avec les vignes, les clématites et les jasmins qui les enveloppent de leurs bras parfumés, ils se détachent si bien du haut de ces terrasses crénelées, sur le fond d’azur de la mer de Marmara, sur les montagnes neigeuses de l’Olympe et les faubourgs de Scutari, qu’on ne songe guère à demander plus de soin et d’entretien aux bastandjis dégénérés du sérail. Et cependant, sous Achmet III, c’était un véritable paradis terrestre, où les plantes et les oiseaux les plus rares, les kiosques et les bassins de marbre embellissaient encore ce site merveilleux. La vue reproduite ici est prise dans un des coins du jardin sauvage, et tout à côté du bassin des Roses. Quarante pins parasols, entrelacés de la façon la plus pittoresque, forment un premier plan ombreux qui permet d’admirer à l’aise, à travers cette belle colonnade, l’éclatant et vivant paysage de la Corne d’Or, de la ville, ou pour mieux dire des trois villes dont Constantinople se compose : Stamboul, Galata et Scutari. »

    Adalbert de Beaumont.