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geurs qui ont passé à Maurice, excepté par une femme célèbre, Mme Ida Pfeiffer[1], dont on peut dire, il est vrai, comme circonstance atténuante, qu’elle était déjà atteinte, lors de son passage dans l’île, de la maladie bilieuse dont elle devait mourir peu après.

Aux environs de Gros-Bois, vers cette partie du pays qu’on appelle le Bras de mer du Chaland, le nom de Souffleur a été donné à un énorme bloc de basalte noir, relié à peine à la terre par un petit isthme, et dont l’intérieur est perforé jusqu’au sommet par une cavité qui communique avec la mer. La base du rocher est entièrement tapissée de goëmon, recouvert incessamment par l’eau qui sort du rocher et retombe en cascades sur ses flancs. Dans les gros temps, la mer se précipitant avec force dans l’intérieur et rejaillissant en forme de jet d’eau, le fait ressembler à une énorme baleine qui se serait échouée sur le rivage. Le bruit qu’il produit s’entend de très-loin ; aussi dans le voisinage, quand le Souffleur gronde et rugit, on peut dire avec assurance que la mer est mauvaise.

En passant devant une petite caverne, on peut monter sur le Souffleur lui-même, mais cette promenade est dangereuse. Le rocher est couvert de goëmon où le pied évite difficilement de glisser.

En côtoyant péniblement le bord de la mer, j’arrivai à une autre curiosité non moins intéressante qu’on appelle le Pont-Naturel, et qui ressemble à un véritable pont avec une pile et deux arches, sous lesquelles la mer s’engouffre avec furie et retombe en forme blanchâtre. Le rocher qui forme pile et soutient les deux arches est continuellement miné par la mer ; un jour, il s’écroulera et ne laissera à sa place qu’une large échancrure. On m’a dit qu’un Anglais l’avait traversé à cheval, mais je crois qu’on ne recommencerait pas impunément une pareille expérience.

Le Pont-Naturel.

Près du Pont-Naturel, je remarquai un autre genre de Souffleur, caché au fond d’une excavation souterraine où le vent s’engouffre. Je pus l’observer en me mettant à genoux et en approchant mon oreille de la terre. L’Indien qui m’accompagnait n’osait point m’imiter, et comme je lui en demandais la raison, il me dit que ce bruit venait du diable.

Quelques jours après, M. Vallet me conduisit à Mahébourg, que je n’avais pas encore visitée. Mahébourg, fondée en 1805 par le général Decaen, est magnifiquement située sur le côté sud d’une pittoresque rangée de montagnes basaltiques, et au bord d’une baie profonde où viennent se jeter deux belles rivières. Elle possède des magasins bien approvisionnés, et quelques belles maisons, mais beaucoup de ces dernières sont comme en ruine et ressemblent à certaines habitations du Camp créole. La baie du Grand-Port fait face à la ville et son entrée est défendue par une batterie dont les feux, en cas d’attaque, pourraient se croiser avec une autre située vis-à-vis, sur la montagne du Lion, qui, de même que son homonyme du cap de Bonne-Espérance, doit son nom à sa vague ressemblance avec un lion couché. À gauche s’étendent les ruines du vieux Grand-Port, et c’est sur ce point que les Hollandais ont débarqué quand ils prirent possession de l’île en 1598. Ils fixèrent à un arbre une planche portant les armes des Provinces-Unies, avec ces mots : Christianos reformandos, et appelèrent l’île Maritius, en l’honneur du prince Maurice de Nassau. Ils furent les premiers à s’y établir ; les Portugais, qui les avaient précédés, s’étaient bornés à en déterminer la position.

Les Hollandais ne trouvèrent aucune trace d’êtres vivants, et remarquèrent seulement d’énormes tortues

  1. Voy. t. IV, p. 305 à 320.