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tirer l’animal à belle portée. On tue souvent trois ou quatre cerfs par chasse, quelquefois plus ; le soir on allume un grand feu, autour duquel tout le monde se réunit et conte des histoires en fumant. Ces groupes, éclairés par la lumière qui se reflète sur le corps des cerfs suspendus aux arbres voisins, composent un tableau de l’effet le plus curieux et le plus caractéristique.


V

Gros-Bois. — Le Souffleur. — Le Pont-Naturel. — Mahébourg. — Réflexions rétrospectives. — Le combat du Grand-Port. — Chant et musique des Indiens. — Plaines Wilhems.

La route qui me conduisit de Combo au Grand-Port a été ouverte par l’armée anglaise, peu de temps après la cession de l’île ; ce fut un ouvrage pénible : il fallut pratiquer des coupures profondes dans cette partie du pays, couverte alors de bois épais et presque impénétrables.

Je ne tardai pas à entendre le bruit de la rivière des Anguilles, qui coule dans une ravine, et dont le profond montre à découvert le sol rougeâtre. Ses bords sont couverts d’arbres d’où pendent de grosses touffes de scolopendre et des bouquets de lianes qui retombent suspendus au bout de leurs cordons. On y voit aussi des fougères d’une variété infinie, dont quelques-unes, comme des feuilles détachées de leur tige, serpentent sur la pierre et tirent leur substance du roc même, tandis que d’autres s’élèvent comme un arbrisseau de mousse, surmonté d’un panache de soie. L’espèce commune qu’on trouve en Europe est ici deux fois plus grande. Cette rivière reçoit un grand nombre d’affluents, et quoique peu considérable, devient presque un torrent après les grandes pluies. Ses bords étaient animés par de nombreux groupes de lavandières noires ; après l’avoir traversé sur un beau pont, je me trouvai en face d’un poste de police ou se trouvaient deux routes, l’une allant au Port-Louis, l’autre à Mahébourg. Je suivis la route de Mahébourg, et après avoir parcouru une longue allée de filaos, je me rapprochai de la mer, et commençai à distinguer à l’horizon les montagnes du Grand-Port et de Flacq.

Le Souffleur.

Une descente longue et pénible me conduisit à un pont construit sur la rivière du Poste, qui sépare le quartier de la Savane de celui du Grand-Port. Cette rivière, dont la largeur est considérable et les rives très-escarpées, se précipite avec une telle rapidité dans un lit rocailleux, qu’une personne emportée par le courant ne pourrait se sauver que très-difficilement.

Après la rivière du Poste, vient la rivière Tabac, qui doit son nom et son origine à un marais entouré d’une grande quantité de tabac marron. Il est presque toujours à sec, excepté pendant la saison des pluies. On le passe sur un pont bâti près d’un rocher d’où l’eau se précipite et forme une jolie cascade. Une fois sorti d’une allée de vakois qui se continue pendant près d’un quart d’heure, on ne remarque plus, jusqu’à Gros-Bois, que la route qui poudroie et les champs de cannes qui verdoient.

L’habitation de Gros-Bois a été nommée ainsi de la grande quantité d’arbres qui s’y trouvaient autrefois ; mais aujourd’hui ce nom est un contre-sens, car le pays n’offre plus qu’une vaste plaine nue, renommée pour le fruit appelé bibasse, qui est plus gros et plus savoureux que dans les autres parties de l’île.

Gros-Bois est administré par M. Vallet, homme aimable et bon, qui non-seulement me reçut de la façon la plus cordiale, mais me procura encore tous les moyens de voir les environs et le port de Mahébourg. Je ne puis me lasser de louer l’hospitalité des habitants de l’île Maurice, reconnue, du reste, par tous les voya-