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à huit genres assez distincts ; en tête figurent le chilcas (vernonia) et le callajas (baccharis), dont les buissons, qui couvrent de grands espaces, fournissent aux indigènes du bois de chauffage. Après eux viennent les genres onoseris, actinea, aster, helianthus, chrisanthemum, représentés par de maigres plantes au feuillage glauque, presque rigide, aux fleurs d’un jaune plus ou moins vif et qui végètent au bord des chemins ; une onagrariée, que les habitants appellent tumbo (fuchsia gigantea) et dont la fleur d’un rose tendre a huit pouces de longueur, forme en quelques endroits des massifs d’une rare élégance. Dans le voisinage de cette plante à tiges volubiles, croît un arbuste de cinq à six pieds de hauteur de la famille des papillonacées et du genre amorpha ; ses fleurs, en épi lâche, sont d’un lilas bleuâtre et n’ont que l’étendard.

Le mirabilis jalapa ou belle de nuit (flos rubra) est le seul individu que compte la famille des nyctaginées. Dans les bas-fonds, aux marges des ruisseaux, sur les eaux courantes, croissent pêle-mêle des alismacées et des hydrocharidées, trois variétés d’hydrocotyles, le quinqueloba, le multiflora, le gracilis, un céleri et un cresson, tous deux comestibles, et quelques joncées. Ce catalogue s’augmente de quelques espèces à mesure qu’en descendant vers les vallées d’Utchumayo et de Victor, qui continuent sous d’autres noms celle d’Arequipa, on se rapproche de l’océan Pacifique.

Villages d’Ocongate, Tiabaya et Umaro.

La Faune de la vallée n’est guère plus riche que sa Flore. D’abord l’ordre des carnassiers, famille des cheiroptères, nous ne connaissons qu’une chauve-souris insectivore, assez semblable à l’espèce d’Europe appelée oreillard ; elle se blottit durant le jour dans les cavités des murailles ou sous le chaume des toitures, qu’elle abandonne au crépuscule pour commencer sa chasse.

Le premier groupe des carnassiers digitigrades n’a qu’un seul individu de l’espèce des mouffettes, qui habite les crevasses des cerros, d’où la nuit son odeur infecte se répand au loin ; les gens du pays l’appellent zorrino (petit renard). Nous ne pouvons rien dire de cet animal, ne l’ayant jamais vu ; mais nous l’avons senti plus d’une fois, et cela nous suffit pour le rayer de nos tablettes.

Dans l’ordre des rongeurs, tribu des cabiais, figure le cochon d’Inde appelé coy, et déjà renommé du temps des Incas. Les indigènes actuels l’élèvent dans leurs demeures comme le faisaient leurs aïeux, et le mangent à toutes les sauces. La chair de cet animal, soit dit en passant, est très-délicate ; sa fourrure, à l’état sauvage, est d’un gris bleuâtre glacé de blanc qui rappelle pour la nuance le pelage des chinchillas. D’autres rongeurs, moins appréciés que celui-ci par les naturels, sont les surmulots : ces animaux vont par bandes de dix à douze individus, leur pelage est d’un brun roussâtre, leur taille atteint jusqu’à dix pouces, la queue non comprise ; parfois ils dévastent dans une seule nuit tout un champ de maïs, dont ils coupent les tiges et gaspillent le grain. À côté de ces surmulots se trouvent des rats véritables, un peu plus gros que notre rat domestique et d’une voracité singulière, si nous en jugeons par la morsure que l’un d’eux nous fit au pouce pendant notre sommeil, et dont la cicatrice nous est restée pour l’édification des incrédules.

Des quadrupèdes passons maintenant aux oiseaux.

L’ordre des rapaces diurnes est représenté par un vautour, le percnoptère urubu, qui débarrasse la contrée des charognes et des immondices de toute sorte. Au-dessous de lui, un individu de la tribu des faucons et de l’espèce des émouchets fait aux jeunes poulets une guerre d’extermination. Dans les passereaux-conirostres mentionnons deux individus : un friquet huppé, dont les couleurs sont ternes comme celles de notre moineau et les allures tout aussi effrontées, et un sylvain au plumage d’un gris cendre, avec sourcils blancs et un cachet noir sur le front. La famille des dentirostres comprend un merle noir à bec et à pattes jaunes appelé chihuanco, et le chirote à plastron de feu (turdus militaris). Dans les becs fins, nous ne voyons qu’un roitelet dont le plumage, d’une teinte olive sombre, est tiqueté de points blancs et bruns.

Deux variétés de tourterelles habitent la vallée devant Arequipa : l’une est de la taille de notre grive, l’autre est de la grosseur d’une alouette ; le plumage, à peu près semblable chez toutes les deux, est d’un cendre bleuâtre légèrement chauffé de tons fauves ; un collier