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Tels sont les souvenirs qui offrent le plus d’intérêt dans l’île de Rhodes, dont la célébrité historique se mêle à la fable. Son illustration, vieillie depuis les Héliades qui la consacrèrent au soleil, avait besoin d’être rajeunie par celle d’un autre âge, et la gloire des chevaliers de Saint-Jean est venue brillamment effacer celle des divinités païennes dont la croix avait renversé les autels. — Que sont devenues les statues de Minerve et d’Apollon ? — le temps en a dispersé les débris. — Et le colosse fabuleux, compté parmi les merveilles du monde ? — à peine le voyageur ose-t-il en demander la place que nul ne saurait lui indiquer. Les habitants actuels ne tiennent en rien des géants leurs ancêtres, et le Grec de Lindos a oublié que Danaüs s’y réfugia avec ses cinquante filles. Le temple qu’il y éleva est tombé aussi bien que celui de Jupiter sur le mont Artamiti. Qui redira à Rhodes que Vénus y aborda en allant en Chypre, et que Cadmus y fut jeté par la tempête en cherchant Europe ?

Entrée du château de Lindos, dans l’île de Rhodes.

Laissant les fictions ingénieuses de la mythologie, cherche-t-on les traces d’Alexandre, de Cicéron, de Pompée ou de Tibère ? — rien ne les indique plus, et personne ne sait plus rien du passage de ces grands hommes dans l’île. Mais si l’antiquité a disparu tout entière, la mémoire des Hospitaliers est encore palpitante ; elle vit de tout côté, et sert d’aliment aux traditions populaires, Les hauts faits de nos pères sont racontés par les Turcs eux-mêmes, étonnés des vertus guerrières de cette noble milice dont les rejetons sont venus, trois siècles plus tard, prouver à l’Orient endormi sur des lauriers fanés, qu’ils n’avaient rien perdu de la valeur belliqueuse qui animait les preux de Godefroy et de d’Aubusson. On se souvient à Rhodes, comme si c’était d’hier, que la trente