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allégorie théâtrale, d’une pièce religieuse analogue aux mystères du moyen âge, — peut-être le Paradis perdu et le Paradis regagné, — dont la représentation, entourée de circonstances particulières, rappelleraient les épreuves de la franc-maçonnerie. Le peuple en est tellement persuadé, que, malgré tout le respect dont il entoure M. Phelps, il l’appelle le Diable, parce qu’il suppose que c’est lui qui remplit le rôle de Satan dans la pièce édénique.

D’après le même témoignage, c’est-à-dire l’opinion générale, les deux ailes contiendraient les fonts baptismaux des deux sexes. Les Gentils prétendent que la cérémonie ne prend pas moins de onze heures. Tout le monde sait que le baptême, suivant la doctrine mor-

    sonnages, Jéhovah, Jésus et Michel, entrèrent dans notre cellule, et, faisant le geste de nous donner une forme, nous touchèrent le corps, puis soufflèrent sur chacun de nous comme pour nous communiquer l’existence. Nous remplissions alors le rôle d’Adam, sortant des mains de nos créateurs (allégorie blasphématoire, en vérité). Nos femmes furent introduites après avoir subi les mêmes cérémonies sous la direction de miss E. R. Snow et quelques autres. On nous fit fermer les yeux pour contrefaire le sommeil, ensuite les rouvrir à la lumière, pour recevoir chacun une Ève. La joie devait nécessairement remplir nos âmes, et nous passâmes par couples dans le compartiment où nous avions précédemment entendu la voix d’Elohim. Cette partie de la salle, au moyen de quelques branchages de sapin (remplacées aujourd’hui par des peintures), figurait un jardin. W. C. Staines, représentant Adam, et miss Snow, Ève, nous servaient de souffleurs. Nous avions à imiter leurs mouvements. Des raisins pendaient à une branche, et W. W. Phelps, admirable dans son emploi de Satan, s’évertuait à nous en faire manger. La femme me tenta, comme cela devait être, et j’en goûtai. Alors nous fûmes maudits par Elohim, qui s’avança vers nous. Satan fut chassé, et nous vîmes M. Phelps, cet astronome érudit, ce saint apôtre, siffler, se tordre et enfin s’échapper en rampant sur ses mains et sur ses genoux.

    « Nous nous trouvions désormais sous le coup de la malédiction, et c’est ici que commence la terrible intention de cette bouffonnerie ridicule et sacrilége. Sur l’homme ainsi perdu et déchu, privé de toute protection, de toute loi, Dieu établit alors le sacerdoce et sa juridiction, armé d’un pouvoir illimité, transmettant une puissance incontestable, avec le droit de décider d’une façon absolue, et supérieur à n’importe quelle autorité. Les membres de ce sacerdoce peuvent agir comme Dieu, avec la force et au nom de Dieu. Des serments d’un secret inviolable sont imposés aux néophytes intimidés et terrifiés. On s’engageait par ces serments à observer une obéissance passive à l’égard du sacerdoce, et spécialement à n’avoir d’autres femmes que celles qui sont accordées par l’Église et le président, son représentant. Nous reçûmes un signe, un mot de passe, et en même temps le troisième degré de l’initiation mormonne, ou premier degré de la prêtrise aaronique. L’homme, continue l’allégorie, entre dans la vie, pourvu d’une loi de pureté, d’une clef de la vérité et d’un caractère sacerdotal. Muni de cette triple force, il est lancé dans le monde où la lumière se change en ténèbres et les ténèbres en clarté. Il se perd à chercher la vérité. Dans le compartiment voisin, il est supposé mêlé aux sectes contemporaines. Là on représente les rites différents des Quakers, des Méthodistes et autres sectaires. Satan vient à leur rencontre et les aborde en leur disant : « Bonjour, frère méthodiste, frère catholique, etc.; je vous aime tous, vous êtes mes amis, mes serviteurs, » etc., etc. Trois apôtres, Pierre, Jacques, Jean, entrent en ce moment, et après un dialogue assez léger avec le démon, Pierre lui ordonne de partir au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et par l’autorité de la sainte prêtrise : ce qui le fait fuir en écumant et en sifflant de nouveau.

    Survient alors un nouvel examen de la part de ces apôtres ; ils nous communiquent de nouvelles instructions, non-seulement touchant le sacerdoce en général, mais sur ce qui nous caractérise comme dignitaires mormons, les seuls investis de ce saint ministère. L’intention de cette scène est de rappeler : 1o que saint Pierre, saint Jacques et saint Jean apparurent à Joseph Smith et lui conférèrent la mission, transmise depuis à Brigham Young ; et 2o que toute la vénération que Jésus-Christ leur pouvait communiquer devait à l’avenir être attribuée à ce sacerdoce mormon. — Obéissance immédiate, implicite, incontestée et sans bornes. « Être, enfin,  » selon les paroles de Kimball, « comme un vil chiffon dans les mains de Brigham Young. » Ceci établi, nous nous avançons vers le royaume de Dieu. L’homme, Adam, perdu par sa chute, le grand péché originel, doublement perdu par l’addition de ses fautes personnelles, a pourtant reçu une certaine force et quelques bienfaits de son Créateur, et s’est ensuite écarté de la voie de la vérité. Le sacerdoce lui ayant ouvert les bras après sa déchéance, en lui donnant la promesse d’un Rédempteur, c’est le sacerdoce qui est destiné à lui fournir les moyens d’accomplir son salut. Dieu jette un regard de miséricorde sur le monde plongé dans les ténèbres ; et, comme il a révélé son Évangile à Smith, c’est lui qu’il a revêtu d’une autorité suprême, ainsi que ses successeurs.

    « Le châtiment attaché à l’infraction du premier serment consiste à avoir la tête tranchée ; le supplice infligé à la violation du deuxième, à souffrir la torture jusqu’à ce que mort s’ensuive. De nouveaux secrets sont alors imposés, et l’on communique le second degré de sacerdoce aaronique, avec les signes, l’imposition des mains et le mot de passe.

    « La représentation de cette farce infâme continue. L’allégorie présume alors que l’homme se trouve dans une condition partielle de salut. Il est introduit dans une salle au centre de laquelle s’élève un autel. On exige de lui une fidélité illimitée envers ses frères. Ne jamais médire des oints du Seigneur ; penser avec leurs pensées ; les employer comme médiateurs entre le Christ et l’homme, comme le Christ est le médiateur entre eux et Dieu ; sentir comme ils sentent ; agir comme ils agissent ; répondre par une obéissance absolue à toute réquisition, quelque criminelle, dénaturée, impie et profane qu’elle soit ; considérer l’Église comme le principal objet de ses affections et de sa vie ; se tenir prêt à sacrifier à ses ordres ou à ses intérêts l’ami le plus dévoué, le parent le plus proche, l’épouse la plus aimée, et jusqu’à l’existence elle-même ; ne respecter en nulle façon les serments et obligations contraires ou attentatoires aux intérêts de l’Église !… La dérogation à ce serment ou sa révélation entraîne un supplice horrible, avec une série de détails dégoûtants. Après quoi sont communiqués de nouveaux signes et des attouchements particuliers qui complètent l’administration du premier degré du sacerdoce de Melchisédech.

    « Stupéfiés et tremblants d’émotion en nous trouvant investis d’une responsabilité aussi effrayante ; agités par la crainte de ce qui allait suivre, nous fûmes introduits dans une autre salle. Un autel se trouvait au milieu : sur cet autel la Bible, le livre des Mormons, et le livre des révélations de Smith.

    « Hommes et femmes se rangèrent par couples autour de la chambre, en présence de Kimball et de Brigham, qui nous regardaient de la pièce voisine. Là, nous fûmes soumis au quatrième serment sous la direction de Parley Pratt. L’allégorie donnait à entendre que l’homme, en ce moment sur la voie du salut, avait à accomplir un devoir temporel, non pas à un point de vue de théorie abstraite, ni pour des objets abstraits, mais un devoir solennel, positif, présent et immédiat. On nous fit jurer d’entretenir une haine constante au gouvernement des États-Unis pour n’avoir pas vengé la mort de Smith, et n’avoir pas fait justice des persécutions exercées contre les Saints ; de mettre en œuvre toute notre influence pour anéantir ce gouvernement ; d’employer nos effort pour discréditer et traverser ses projets ; enfin de refuser tout concours et toute soumission à ses lois. Si nous étions incapables d’agir par nous-mêmes, nous avions à inculquer ces maximes à nos enfants dès l’âge le plus tendre, les leur dicter au lit de mort, et les leur transmettre comme un dépôt sacré. Cette maxime devait être la pensée incessante de la vie ; de façon que « le royaume de Dieu et du Christ, c’est-à-dire l’Église des Mormons et ses ministres, subjuguât tous les autres royaumes et remplît la terre entière. » Les malédictions les plus épouvantables, les menaces les plus barbares étaient proférées et suspendues sur la tête de quiconque faiblirait dans l’exécution, ou se hasarderait à faire des révélations. Signes, mots de passe et attouchements nouveaux, consacrèrent le second degré du sacerdoce de Melchisédech. Devenus dignes de Dieu, nous pouvions être admis en sa présence comme ses enfants, mais il nous restait à apprendre la manière de le prier. On nous dit que nos robes ne couvraient pas l’épaule prescrite par la loi ; comme signe d’une soumission absolue au sacerdoce, on opéra le changement convenable. Afin d’imprimer à ces cérémonies un caractère plus profondément religieux, et d’alimenter notre enthousiasme, nous reçûmes une nouvelle forme de prière. Tous les initiés furent placés en cercle, avec ordre de répéter,