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exactes ; et celles des Anti-Mormons ou hérétiques, qui, sous l’influence de préjugés invariables, sont toujours violentes, souvent injustes.

Il suffit d’un coup d’œil pour s’assurer que ces fortifications, dont on a fait tant de bruit, sont complétement inoffensives ; on les domine de partout, et elles ne résisteraient pas vingt minutes à une demi-douzaine de sapeurs ; maintenant qu’elles ont eu le résultat qu’on en espérait, on en laisse les fondations tourner en sel et se déliter.

Nous traversons le Big-field, champ de six milles carrés, divisé par lots de cinq acres et situé au sud-est de la ville ; l’enceinte franchie, nous entrons avec fracas dans le second quartier, nommé Danemark en raison de la nationalité de ses habitants.

Le plan de la ville sainte est le même que celui de toutes les cités du nouveau monde, depuis Washington jusqu’à la future métropole du continent australien : un ensemble de rues larges et alignées, de passages, de routes et de boulevards se coupant à angles droits. On voit ici, dans toute leur amplitude, les bénéfices et les inconvénients du système rectangulaire ; je pense, quant à moi, que celui-ci est parfaitement approprié au nouveau monde, de même que le vieux style est obligatoire en Europe, bien que Paris semble depuis quelques années se convertir au nouveau.

La grande rue (cité des Saints). — Dessin de Ferogio d’après M. Eurion.

Les faubourgs sont maigrement peuplés. C’est aux environs du temple et au midi que s’est portée la masse de la population. Jusqu’à présent les rues des faubourgs ne sont que des routes, offrant des côtes rapides et longées par des ruisseaux d’eau vive, n’ayant que des planches pour passerelles ; en été la voie est poudreuse, en temps de pluie elle est couverte d’une boue profonde et grasse.

Presque toutes les maisons affectent la même forme ; une grange et des appentis à leurs ailes ; la façade en est généralement tournée vers la rue ; quelquefois c’est le pignon, ce qui donne à l’ensemble un air suburbain : on voit par l’exiguïté des vitres que le verre ne se fabrique pas encore dans le pays. Dans les constructions les plus soignées, l’adobe repose sur plusieurs assises de grès ; il est indispensable, dans tous les cas, de la protéger contre la pluie ou la neige par le rebord de la toiture. Les plus importantes de ces constructions ressemblent aux bungalows des Indes ; le toit est plat et s’avance de manière à couvrir une galerie extérieure, bien treillissée, basse et ombreuse, appuyée sur des poteaux. Chaque demeure est pourvue de cheminées et de portes épaisses, afin de préserver ses habitants du froid qui en hiver est très-vif. Quant aux habitations pauvres, elles sont petites et basses, de simples maisonnettes ; ou bien étroites et longues, elles ressemblent à des écuries percées d’ouvertures nombreuses.