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quêtes que l’Inca Capac-Yupanqui étendit jusqu’au Chili ayant amené l’extinction presque totale de ces peuplades, les Aymaras disparurent avec elles du littoral. Seuls, les individus de cette nation qui avaient subi antérieurement le joug des Incas continuèrent d’occuper dans la Sierra une partie de l’ancien territoire de leurs pères. Aujourd’hui on compte environ deux cent mille de ces indigènes disséminés sur la frontière bolivanio-péruvienne, et dans les sept départements du haut Pérou.

Parmi les anciennes coutumes de cette nation, une des plus singulières, et qui peut aider l’ethnographe à retrouver les traces de son passage à travers les deux continents, cette coutume était de déformer en naissant la boîte osseuse de ces individus et de lui donner une forme conique au moyen de planchettes rembourrées de coton et comprimées par des ligatures. Les squelettes d’Aymaras qu’on trouve dans le voisinage de la mer, entre le seizième et le dix-huitième degré, sont parfaitement reconnaissables à leur tête oblongue ou obovalée. Un œuf dont une des pointes formerait le facies peut en donner une idée assez exacte.

Vue intérieure d’une chulpa.

« Le mode d’inhumation usité chez ces Indiens au temps de leur splendeur est aussi fort étrange, et ne se retrouve chez aucune des nations de l’Amérique du Sud Leurs tombeaux, appelés chulpas, avaient la figure d’une pyramide tronquée de vingt à trente pieds d’élévation. Cette pyramide, construite en briques de terre non cuites (tapias), avait plusieurs assises en retrait, et rappelait, par sa configuration générale, les téocallis mexicains dont l’idée première paraît empruntée au temple de Bel. Quelquefois les tombeaux des Aymaras étaient de simples monuments bâtis dans l’appareil cyclopéen, recouverts d’un plafond monolythe, se composant à l’intérieur d’une chambre carrée — celle où j’écris ces lignes — avec une porte basse au couchant et une petite fenêtre orientée au levant. Parfois encore ces tombeaux avaient la forme d’un obélisque dont l’élévation, de huit à dix mètres, était deux fois la largeur de leur base. Ces derniers étaient couverts d’un toit incliné et bâtis en simple torchis. Chaque tombeau du genre de celui où nous nous trouvons était affecté à une douzaine d’individus dont les corps, embaumés avec le chenopodium ambrosioides des vallées voisines et revêtus de leurs habits ou affublés d’un sac tissé avec les feuilles du totora et échancré à l’endroit du visage, étaient assis en cercle et se touchant par les pieds, figuraient les jantes d’une roue. Chaque mort avait près de lui, à titre de provisions et d’ustensiles de ménage, des épis de maïs, un pot de chicha, une gamelle et une cuillère. Si c’était un homme, on ajoutait à ces objets une fronde, une macana ou massue, des engins de chasse ou de pêche et un rou-