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fuite ; on supposa que la jeune fille était allée dans un couvent par dépit contre sa belle-mère, et on attendit tout le jour avant de faire aucune recherche. Le lendemain seulement on parcourut la ville, on s’informa dans les couvents, puis on mit en mouvement la police. On apprit alors le départ de Pietro Bonaventuri, et, rapprochant mille faits restés inaperçus jusqu’alors, on eut la certitude de l’amour des deux jeunes gens et de leur départ. Le patriarche d’Aquila, à cette époque tout puissant près du Conseil des Dix, fit déclarer la noblesse insultée par cet enlèvement et demanda que le séducteur fût mis au ban de la République. Jean Bonaventuri, l’oncle de Pietro et gérant des Salviati, fut jeté comme complice dans les cachots de la sérénissime inquisition, où il mourut oublié au bout de quelques mois. Les deux fugitifs, pendant ces recherches, restaient cachés chez le père Bonaventuri, qui les reçut à bras ouverts. Là, ils furent secrètement mariés et chacun d’eux travailla pour vivre, car les parents de Pietro étaient dans un état voisin de l’indigence. La mère se chargeait des soins du ménage, tandis que le père, habile calligraphe, faisait des copies pour les officiels publics. Son fils devint son apprenti. Bianca, de son côté, brodait de merveilleuses tapisseries dans le goût vénitien et en tirait un bon profit. Tout habituée qu’elle était au luxe du palais paternel, elle acceptait courageusement les privations. Ne pouvant sortir de chez elle, car la sentence avait été affichée à Florence et les deux jeunes époux étaient activement recherchés, elle n’avait d’autre distraction que de jeter un regard, de temps en temps, dans la rue, en soulevant sa persienne.

Palais de Bianca Capello. — Dessin de Karl Girardet d’après M. A. de Beaumont.

Un jour que le grand-duc Francesco Medicis passait