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même en Flandre. Avec van Eyck ou Jean de Bruges, l’inventeur de la peinture à l’huile, et le gracieux Hans Hemling, elle tient encore au style byzantin. J. Gossaert, van Orley, Michel Coxcie et Hemskerck marquent sa seconde époque, celle de l’union à l’art italien ; elle triomphe avec Rubens, le plus grand des peintres de la chair, avec van Dyck, Rembrandt, Jordaëns, Hobbema, Ruysdaël, et elle se continue jusque vers nous par la foule de ceux que l’histoire appelle les petits flamands et que les enchères font aujourd’hui si grands. Rubens, à lui seul, a quatre-vingt-quinze toiles. Paris, Madrid et Anvers mettant en commun leurs tableaux du maître en réuniraient à peine davantage. Un d’eux, un Jugement dernier, fut un défi avec Michel-Ange ; et le peintre d’Anvers n’a pas fléchi devant le peintre redoutable de la chapelle Sixtine. Si la science anatomique est plus faible et l’audace du dessin moins grande, la couleur est plus riche, et le Dieu de l’Évangile plus miséricordieux. Dans le groupe des élus, je vois un pauvre nègre. Merci à vous, artiste heureux et puissant, le favori des rois, merci pour cette bonne pensée, en un tel temps, de la fraternité humaine !

Mais voyez l’inconvénient d’être dans un pays où les artistes mettent dans leurs tableaux plus d’idées que de dessin. M. Lancelot, à qui j’ai montré ce qu’on vient de lire, me répond : « Ce nègre est placé à l’extrémité d’un groupe de figures nues, étincelantes de sang et de lumière, qui viennent s’éteindre en une demi-teinte violacée, brillante encore, sur un fond de ciel crépusculaire à lueur orangée. Le grand coloriste a senti, sans tant philosopher, qu’un nègre seul pouvait lui donner la tache noire bleue qui était l’opposition légale et la liaison forcée entre ces deux nuances. Il n’a été que peintre, mais comme toujours grand peintre, et c’est bien assez, n’en déplaise aux esthétiques allemands qui ne sont pas peintres du tout. »

La nouvelle Pinacothèque.

Voilà une raison de métier ; et vous êtes sans doute dans le vrai, mon cher artiste, mais je vous dirai toujours : dans le groupe de ses élus, Rubens a mis un nègre.

Les écoles de France et d’Espagne sont toutes deux contenues dans une seule salle, tandis que l’Allemagne et la Flandre en remplissent cinq, l’Italie trois, celle-ci avec beaucoup d’œuvres secondaires. Rien de grand, en effet, de Vinci, de Michel-Ange, de Raphaël et du Titien. Aussi je vous laisse avec les musées d’Allemagne de M. Viardot, si vous êtes désireux de faire, sous la conduite d’un guide aimable et sûr, un plus long voyage dans la Pinacothèque. Pour moi, qui ne suis venu chercher à Munich, ni l’Italie, ni l’Espagne, ni la France, mais l’Allemagne, je vous emmène devant les fresques de Gornélius, devant les chefs-d’œuvre du nouvel art chrétien et de la renaissance allemande.

C’est ainsi, je vous l’ai dit déjà, qu’on parle à Munich. Des fresques, il y en a partout, au dedans et au dehors des monuments, sur la muraille extérieure de la nouvelle Pinacothèque, tout le long de la courtine de l’Isarthor, au Bazar, sous les portiques du Palais, au jardin du Séminaire, comme dans la chapelle du château, à Saint-Louis, à Saint-Boniface, à Notre-Dame de