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bord, Haidhausen et le faubourg d’Au avec la belle église ogivale de Notre-Dame de Bon-Secours. Derrière les dernières maisons une plaine monotone et triste ; dans le lointain, à quinze ou vingt lieues dans le sud et le sud-est, les Alpes du Salzbourg et du Tyrol, sur lesquelles je ne vis point de neige et qui, à cette distance, manquaient de grandeur. Les montagnes ont, comme les tableaux, leur point de perspective ; il faut les voir d’assez près pour qu’elles apparaissent dans leur majesté.

Un jour, à Dijon, j’ai cru voir, à soixante lieues de distance, le Mont-Blanc, et je ne trouvai d’autre charme à cette vue que de pouvoir me dire : « La plus haute montagne de l’Europe est là. » Je l’ai vu de plus près, du signal d’Aubonne ; c’était bien le roi des Alpes. Mais à Chamouni, à la croix de Flegère, en face de la mer de glace, quand il se dresse soudainement du fond de la vallée à une hauteur de dix mille pieds, c’est la plus belle montagne de la terre et le trône de l’Éternel[1].

Si Munich est trop loin des hautes montagnes pour qu’on y ait des vues alpestres, il en est assez rapproché pour que les vents qui en viennent le glacent. Je grelottais sur ma tour, en plein mois d’août[2], et mon premier soin, quand j’eus descendu l’escalier branlant de Saint-Pierre, fut d’acheter un de ces grands châles que les Anglais, gens fort avisés en confort, ont toujours avec eux.

Dans les rues, je fus étonné de trouver une population d’apparence si peu germanique. Le soleil italien ne passe pas les monts, mais beaucoup de choses de l’Italie les franchissent. À Munich, le type allemand est italianisé. La taille est moyenne, les cheveux blonds sont rares et nombre de boutiques portent des noms transalpins. Dans les vieilles églises, celles du peuple, qui ne sont jamais désertes, tandis que les neuves n’ont personne, les saints sont dorés et les Vierges couvertes de brillants oripeaux. J’aperçus dans une chapelle des paysans assis sur un banc et qui regardaient, je crois, un crucifiement ; je m’approchai pour mieux voir leur costume un peu étrange : c’étaient des statues peintes. À la Mariensäule, j’ai toujours trouvé des femmes et des hommes agenouillés en pleine rue et priant. C’étaient autant de signes annonçant que les arts italiens seront également venus s’établir ici.

La basilique de Saint-Boniface, à Munich.

Dans le vieux Munich on ne les rencontre guère. Il ressemble à toutes les vieilles cités. Les rues n’y sont point larges et les maisons se serrent les unes contre les autres, comme faisaient les bourgeois du bon vieux temps, toujours si menacés et si inquiets que par prudence ils occupaient le moins de place possible. Aucun édifice remarquable. Le moyen âge et la Renaissance n’ont rien laissé de curieux. Saint-Pierre est fort laid ; à Notre--

  1. Pas une montagne du globe n’a une hauteur relative aussi grande que le Mont-Blanc. L’Himalaya est double de hauteur, mais on arrive à ses sommets par une série d’étages et par des vallées successives, qui ne produisent pas l’effet de cette gigantesque muraille presque à pic que forme le Mont-Blanc au-dessus de Chamouni. Les grandes Alpes du Tyrol, le pic des Trois-Seigneurs et le Grand-Glockner sont à cent trente et à cent cinquante kilomètres à vol d’oiseau de Munich.
  2. Le 19 mai 1861, il est tombé de la neige à Munich, le thermomètre n’était qu’à un demi-degré au-dessus de zéro.