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més par une haute muraille crénelée, et les deux autres par un palais ; c’était l’entrée du palais Foscari du côté de terre. Trouvant toutes les portes ouvertes, je m’avançai sous l’atrio ou vestibule qui s’allonge jusqu’au canal ; au lieu des gondoliers, des tapis, des rames, des felses (dessus des gondoles), qu’on y trouve d’ordinaire, il n’y avait de tous côtés que des débris ; mais quelle couleur pittoresque avaient ces murailles, éclairées par le beau soleil de Venise ! quel aspect ce grand canal, fuyant à travers les fenêtres et la porta d’aqua, lesquelles se détachaient en ombre vigoureuse sur l’extérieur éblouissant ! C’était une véritable décoration. L’escalier qui monte à droite me conduisit dans la galerie du premier étage ouverte à ses deux extrémités, sur le canal et sur la cour. J’étais depuis quelques instants appuyé sur le balcon, admirant cette vue pittoresque, immense, originale et belle parmi les plus neuves et les plus belles, lorsque j’y fus accosté par un gondolier en costume débraillé, à l’œil méchant et aviné ; grand gaillard à cheveux rouges ; en un mot, vrai type de ce bravo dont les mélodrames et les romans nous ont barbouillé le portrait fantastique. Il me proposa du reste fort poliment de me « cicéroniser » dans tous les coins du palais, ce que j’acceptai.

Cour du palais Salviati. — Dessin de Karl Girardet d’après M. A. de Beaumont.


Adalbert de Beaumont.

(La suite à la prochaine livraison.)