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de gaieté de cœur, se condamnent quotidiennement les Saint-Paulois. Ils sont renommés dans toute la Réunion pour cette vie paresseuse, indolente ; et bien qu’à Saint-Denis et à Saint-Pierre les soirées ne soient pas souvent plus attrayantes, les Saint-Paulois remportent encore le prix de la nonchalance et du laisser-aller.

Je n’étais pas venu à Saint-Paul pour me confire dans cette existence de moine, et Je profitai des premiers beaux jours de mai pour retourner à Saint-Denis. Après avoir de nouveau passé quelque temps dans cette ville, et fait une visite au gouverneur de la colonie, l’excellent M. Darricau, que j’allais voir dans son ermitage de Saint-François, à cinq cents mètres au-dessus du niveau de la mer et de l’hôtel du Gouvernement, je repris le bâton de voyage. Un créole dont j’étais devenu l’ami, et qui portait glorieusement le prénom romain de Manlius, me proposa de l’accompagner jusqu’à sa propriété de la rivière des Roches et de là aux sources thermales de Salazie. Je n’eus garde de refuser, et le 7 mai nous partîmes de Saint-Denis.

Barbier indien à la Réunion. — Dessin de Mettais d’après une lithographie de M. Roussin.

La route, au sortir de la ville, est des plus animées. C’est un véritable jardin, c’est le gracieux commencement de cette route de ceinture qui fait tout le tour de l’île, ayant pour limites d’un côté la mer qui vient caresser les talus du chemin ; de l’autre des plantations de vanilles autour des manguiers aux ombrages sombres, ou bien des champs de cannes et de maïs, dont le vent balance les aigrettes. De loin en loin des villages coquets, tels qu’on n’en voit qu’à Bourbon, cachés derrière les cocotiers et les tamarins, se succèdent comme les anneaux d’une chaîne, pour varier ce paysage enchanteur. À droite, à l’horizon, une série continue de pitons basaltiques, roches vomies par le feu central de la terre et émergées du fond de l’océan, court dans la direc-