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Cette ville est restée aussi la capitale de Bourbon jusqu’en 1738, époque où la Bourdonnais transporta le siége de l’administration à Saint-Denis, qu’il trouvait plus rapproché de l’île de France.

Je passai à Saint-Paul tout le mois d’avril, et j’eus le temps d’étudier à loisir ce pittoresque quartier. (À Bourbon comme à Maurice, l’expression de quartier remplace celle de commune ou de canton. L’île Bourbon est divisée en onze quartiers.) Partout je reçus le plus amical accueil : ma qualité d’Européen était, du reste, un titre de recommandation.

Malabaresse et Cafrine. — Dessin de Mettais d’après une photographie de M. Bévan.

Une case, au milieu d’un jardin, que je louai aux abords de la ville, devint mon habitation favorite. Elle me rappelait, sauf les dimensions et le nombre des appartements, pour lesquels elle était mieux partagée, la cabane californienne que j’avais occupée deux ans auparavant[1]. L’aspect des lieux aussi était différent ; et au lieu de tristes maquis, j’avais autour de moi de verdoyants bosquets, où le latanier et le palmier, le grenadier et la vigne mariaient gracieusement leurs feuillages. Quant à la vie, elle était à peu près la même : vie d’isolement et de calme. Là, comme en Californie, je retrouvai le fauteuil de rotin où l’on s’étend nonchalamment. Je prenais une posture de nabab, j’étais roi sous ma varangue, humant l’odorant café du cru, que Julien, mon mulâtre fidèle, m’apportait tout fumant. Le manille suivait le café, et devant les nuages vaporeux qui s’envolaient autour de moi, je me laissais aller à de doux rêves, je donnais libre carrière à la folle du logis. Le soir, le ciel était beau, les étoiles scintillaient au firmament ; il n’y avait aucun bruit dans l’air. Mais parfois la voix d’un noir qui passait sur la route, sa lanterne à la

  1. Voir le Tour du monde, 3e année, 1er semestre, page 30.