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sonnes. Le pasteur, notre compagnon de route, orné d’un rabat et d’un petit manteau de soie fanée flottant sur sa grossière soutane de voyage, tenait d’une main un livre d’office, de l’autre un mouchoir blanc ; il était entouré d’un groupe d’hommes et de femmes. Je compris qu’il s’agissait d’un baptême ; on s’était hâté de saisir le pasteur au passage. Arrivé à la formule d’usage, il se tourna vers les témoins en disant : « Promettez-vous en cas de mort des parents de les remplacer auprès de cet enfant et de veiller à ses besoins physiques et moraux ? » Les deux parrains répondirent : « Oui, nous le promettons. » L’ecclésiastique garda le silence : il fixait sur moi un regard interrogatif comme s’il attendait aussi ma réponse. Encore à moitié endormi et comme en rêvant, je répondis de même : « Oui, je le promets. » On me prit au mot et je me trouvai ainsi le troisième parrain de la jeune Brita et inscrit comme tel sur le registre. Mon offrande pécuniaire fut acceptée avec reconnaissance par la mère de ma filleule. Je lui donnai de plus un gros baiser.

Au lever du jour, nous remontâmes le Sagat dont le courant forme des chutes assez élevées, et nous pénétrâmes dans le lac de Lagatjaner, splendide nappe d’eau que la nature semble avoir voulu entourer de toutes ses beautés pour faire oublier au voyageur ses fatigues. Jusqu’à Quockjock, situé à l’extrémité du lac, on marche de surprise en surprise, d’extase en extase. La ceinture du lac forme un marchepied sinueux de verdure derrière lequel s’élèvent à pic des glaciers aux contours hardis et variés qui se reflètent dans une eau d’une transparence merveilleuse et se découpent sur le ciel du plus vif azur.

C’était un dimanche. Dès que les pauvres habitants de Quockjock eurent de loin reconnu le pasteur, ils firent sonner immédiatement les cloches de leur petite église pour appeler les fidèles au service divin. Ces sons clairs et perçants interrompant tout à coup le profond silence de ces solitudes grandioses, nous émurent profondément.

À peine débarqués, nous nous dirigeâmes vers la chapelle sur les traces de pauvres gens qui gravissaient le sentier escarpé. Le pasteur eut bientôt revêtu son petit manteau de soie et accroché son rabat. Après avoir fait une prière en langue laponne, il commenta en suédois le texte : « Là où deux ou trois personnes se trouvent réunies en mon nom, je me trouve au milieu d’elles. »

Après le prêche, je m’installai sur l’herbe pour faire un dessin de la chapelle. Une jeune fille m’observait de loin avec curiosité, je la priai d’aller me puiser de l’eau dans un gobelet à un ruisseau dont j’entendais le murmure à peu de distance ; après me l’avoir rapporté, elle me demanda la permission de regarder comme je m’y