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favorable à la beauté. Sous ce rapport, elles tiennent un juste milieu entre l’ampleur majestueuse des Chiliennes et la sveltesse passionnée des femmes de Lima. Leur taille est moyenne, mais bien prise ; elles ont les épaules d’un contour assez riche, le pied petit, la démarche aisée et ce balancement rhythmé que l’Espagnol appelle meneo. Joignez à cela une physionomie vive et spirituelle, des traits délicats, chiffonnés plutôt que corrects, des yeux noirs dont les regards sont autant de flèches, une bouche vermeille, d’où la riposte et le quolibet, saupoudrés de sel andalou, s’échappent comme pommes et raisins d’une corne d’abondance, et vous aurez peut-être quelque idée de ces charmantes créatures qui tiennent à l’Espagne par leurs aïeux et au Pérou par leurs aïeules.

Au goût des parfums et des fleurs, elles joignent celui de la musique, du chant et de la danse. Délicates et nonchalantes, elles sont, en outre, d’une mobilité d’esprit singulière et passent facilement de l’enthousiasme le plus vif à l’indifférence la plus complète. Leur religion n’a rien d’exalté ni de farouche ; dévotes plutôt que pieuses, elles donnent volontiers le pas au plaisir sur la dévotion, persuadées qu’elles sont qu’un signe de croix et un Padre nuestro dit à propos effacent bien des fautes. Pour ces charmantes femmes, l’amour n’est pas une passion, mais un passe-temps agréable, un jeu propre à délasser l’esprit. Elles l’ont étudié à fond et en connaissent admirablement toutes les ressources. Elles le prennent et le quittent à volonté, l’excitent ou le ralentissent au gré de leur caprice, et déploient dans ces différentes manœuvres le sang-froid et l’habileté d’un vieux chef d’orchestre conduisant une symphonie.

Intérieur d’une chambre à coucher à Arequipa (ancien style).

Ce jeu de la coquetterie, auquel le beau sexe d’Arequipa se montre de première force, même à côté des Liméniennes, est en usage seulement parmi les femmes en puissance d’époux, lesquelles, comme on sait ou comme on ne sait pas, jouissent, ainsi qu’en France, d’une liberté absolue. La coquetterie et ses ruses sont pour elles la partie journalière de whist ou de boston qui les distrait des habitudes monotones du ménage. Les jeunes filles, confinées dans leurs chambres grillées et sous la surveillance immédiate de leur famille, ne cessent, tourterelles plaintives, de gémir et de soupirer après l’hymen qui doit les émanciper. Ce désir assurément est naturel, et Arequipa n’est pas la seule ville du monde où les voyageurs aient eu l’occasion de l’observer. Mais voici un avis qui peut ne pas être inutile. Par un cosmopolitisme flatteur pour l’amour-propre européen, les fillettes d’Arequipa donnent la préférence aux étrangers sur leurs compatriotes, malgré les qualités éminentes dont ceux-ci sont doués. Un étranger, pour peu qu’il soit jeune et agréablement tourné, fût-il d’ailleurs tombé du ciel