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n’en déplaise à M. Boudouris the finest gentleman in Greece et aussi à mon ami Vretos, qui, dans son Guide d’Athènes, emprunte à notre vocabulaire ces mots : bon genre, bon ton, bonne société, les Grecs ont le sentiment démocratique ; ils ne sauront jamais se plier à certaines de nos conventions anglaises ou françaises. Que le mince résultat obtenu ne fasse pas illusion ; si on est arrivé à faire une société dans Athènes à l’instar de l’Europe, on ne refond pas aussi facilement tout un peuple, et le jour où ce peuple soufflera sur cet échafaudage mal assis, il en restera si peu de traces qu’on doutera même qu’il ait jamais existé.

Il est un lieu commun qu’on ne cesse de répéter en Grèce. L’Orient a civilisé l’Occident, l’Occident lui doit la civilisation. Passez-moi la casse, car je vous ai passé le séné. Il est en effet utile de faire don à l’Orient de toutes les excellentes découvertes de la science moderne, mais il est tout à fait superflu de le gratifier d’institutions dont nous-mêmes reconnaissons les défauts et qui sont absolument incompatibles avec ses mœurs. Les écrivains qui ont ri de LL. Exc. les ministres tutoyant l’épicier du coin ont bien fait ; mais le ridicule n’est pas qu’ils tutoient l’épicier, puisqu’il est dans l’habitude des Grecs de dire « tu » à chacun de ses frères, quelque rang qu’il occupe : le ridicule est d’affubler ceux qui sont à la tête des affaires du titre d’excellences, sous prétexte que cela se fait ainsi en Bavière. Je ne trouve nullement plaisant que le héros Canaris mette mal sa cravate, mais je trouve singulier qu’il porte une cravate ; et si dans les bals de la cour les palikares n’ont pas la tenue de nos habitués de salon, il n’y a là rien que de très-naturel : il serait étrange qu’il en fût autrement. La décoration du Sauveur fait fort bien sur un habit noir, mais elle n’a eu pour résultat que de créer un élément de corruption chez un peuple qui ne connaissait ni distinctions ni faveurs. Au total, je ne vois aucunement ce que les Grecs auront gagné à se meubler d’un mécanisme social semblable au nôtre, si ce mécanisme ne fonctionne pas : ce n’est là qu’une dépense inutile de temps et d’argent.

Haut-relief de Phidias, métope du Parthénon. — Dessin de Thérond d’après une photographie.



Les Grecs et leur origine. — Qualités de l’esprit. — Costume national. — Les Jeunes-Grèces. — L’Agora. — Les femmes. — La Grèce et la Hollande. — Cuisine. — Probité. — Système monétaire. — Les rues d’Athènes. — Les Ioniens et les Chiotes. — Le carrefour de la Belle-Grèce. — La promenade de Patissia.

Si l’on en croyait Fallmerayer, il n’y aurait plus de Grecs en Grèce, il n’y aurait que des Slaves ; il est hors de doute que les Hellènes de la Thrace et de la Macédoine ne peuvent se vanter d’une origine aussi immaculée que les montagnards de l’Olympe ou du Magne ; mais il est également incontestable que du cap Malée à la mer Noire et de Smyrne à Corfou il y a dix millions d’individus qui parlent le grec, mêlés à une population qui parle le slave