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tine « Toute la durée de l’empire byzantin n’offre pas, dit Gibbon, une découverte qui ait augmenté la dignité de l’homme ou contribué à son honneur. » — « Si nous cherchons, dit un autre, le contingent que le Bas-Empire a apporté dans la civilisation moderne, nous trouverons le corps des lois romaines et l’introduction du vers à soie. Après cela rien, à moins, ajoute-t-il, que nous ne parlions des moulins à vent apportés de l’Asie Mineure au douzième siècle. » — Pourquoi n’avoir cité ni les prunes ni les échalotes importées en Europe à la même époque ? Cela eût été tout aussi plaisant. De l’architecture, pas un mot. Sans faire une énumération qui ne saurait trouver place ici, il me semble que ceux qui, en échange de l’ignorance féodale, nous ont légué la renaissance des arts et des lettres méritaient quelques ménagements. Toujours est-il qu’il est résulté de cette condamnation infligée à toute une époque des préventions telles contre tout ce qui vient d’elle, qu’on connait très-superficiellement ses œuvres. À Athènes même, les modernes architectes, chargés de l’érection d’une cathédrale, ont préféré un lourd mélange d’ordonnances orientales et latines aux délicieux modèles de la Kapnikarea et de Saint-Théodore, qu’ils avaient sous les yeux. Un artiste français, M. Boulanger, qui a décoré avec infiniment de goût et de réserve la nouvelle église russe, pourrait mieux qu’aucun autre, après les premiers travaux de Couchaud, publier des données sur cette époque que son long séjour en Grèce lui a permis d’étudier à l’aise. Il n’est que temps de faire un semblable travail, car là comme partout la restauration armée de la truelle et de la brosse repeint et recrépit en aveugle.


La colonie française. — L’école d’Athènes. — L’hospitalité grecque. — Les importations européennes en Grèce. — Un ingénieur français et un capitaine de cavalerie. — Les Phanariotes.

Je conviens, me disait un de mes amis à mon retour, que l’étude de l’antique offre un grand et long intérêt, mais qu’avez-vous pu faire pendant tout un hiver à Athènes ?

— Je voyais la société grecque, et je vous assure que les relations y sont fort agréables.

— N’y a-t-il pas un grand nombre de Français ?

— Ceux-ci sont en effet très-nombreux ; il y a d’abord une ambassade, et il y avait à cette époque une inspection des finances et une administration des ponts et chaussées. Je voyais peu l’une, à peine l’autre et pas du tout la troisième, car je vous avouerai que j’allais en Grèce pour voir des Grecs.

— Vous étiez cependant en relation avec l’école française ?

— Certainement ; c’était avant sa réorganisation. Elle n’avait à cette époque qu’une section des lettres et cinq lettrés d’humeur charmante : MM. Thénon, Perrot, Hinstin, Heuzey et de Claubry. MM. Thénon et Perrot venaient d’explorer l’île de Candie, et leur conversation était pleine d’intérêt. M. Hinstin, marcheur infatigable, parcourait l’Attique. M. de Claubry faisait avec succès de la photographie, et M. Heuzey préparait le remarquable travail qu’il vient de publier sur l’Acarnanie.

— Quel est au juste le but de cette école ?

-M. Lacroix, un de ses membres, dit que le vers d’Horace :

Adjecere bona paulo plus artis Athenæ

pourrait lui servir de devise ; mais M. Rouland dit dans son dernier rapport qu’elle est aussi destinée à porter au sein d’une nation amie le témoignage de nos sympathies et le goût de notre civilisation. Cette intention de se faire aimer par la parole est certes très-louable ; mais je n’y vois qu’un empêchement : c’est que l’école française fréquente fort peu la société grecque.

— Ou que la société grecque fréquente fort peu l’école française ?

— Comme vous voudrez. Pour en revenir à la première, son accueil est très-affectueux. Quelques sceptiques prétendent que de même que la sobriété n’est pas une vertu, mais une précaution hygiénique sous ce climat brûlant, l’hospitalité n’est qu’une conséquence du peu de ressources qu’offre le pays, et que, dans Athènes, elle est un reste des habitudes demeurées complètes dans le Magne. Il est de toute évidence qu’à mesure qu’on s’avance dans le pays où les besoins de la vie font de plus en plus défaut, votre hôte est nécessairement de plus en plus généreux ; il est également certain que les mœurs égoïstes de notre Occident tendent à remplacer l’aménité orientale, et que, dans quelques années, au lieu du tchibouk, de la tasse de café et du plateau de confitures sèches servis au nouveau venu, on se contentera de lui donner, comme à Paris, l’adresse des bons restaurants ; mais ce qui ne tient en rien à un reste d’habitudes, c’est cette promptitude et cette facilité des relations premières. En revanche, l’intimité est difficile : si votre hôte ne vous engage pas plus souvent à vous asseoir à la table de famille, c’est que la famille est pauvre, fière dans sa pauvreté, et qu’elle redoute l’examen et, par-dessus tout, la raillerie que nous n’épargnons à personne. Cette inquiétude perpétuelle de leur part nous offusque parce que nous ne tenons pas compte de la différence de caractère et aussi de la différence de leur condition passée et présente. »

On peut reprocher la même erreur aux réformateurs qui ont voulu latiniser la Grèce actuelle. Les mœurs des Grecs sont restées orientales, c’est-à-dire patriarcales et démocratiques, imbues des souvenirs de la civilisation asiatique dont Homère est la personnification la plus haute comme des premiers préceptes chrétiens dont saint Paul est le plus digne apôtre. Depuis trente ans on a tenté de discipliner la Grèce à l’européenne ; je me hâte de dire qu’on n’a pas réussi et que s’il faut aller jusque dans la cabane du paysan ou sous la tente du pâtre pour trouver les habitudes vierges de toute atteinte occidentale, dans les salons d’Athènes même où l’impression a été la plus profonde, le vernis n’est que superficiel.

Si au premier abord rien ne vous semble si voisin d’un salon français qu’un salon grec (au confort près), votre illusion sera de courte durée, et vous ne tarderez